— Est-ce que tu te rends seulement compte à quel point je t'aime, mon petit Kinder Bandant ?
— Mike... Tu saoules, sérieux ! On avait dit plus de surnoms foireux.
Installé au bureau d'un de mes entrepôts illégaux, je bouge la mine de mon stylo noir d'un geste frénétique. Elle repasse encore et encore sur les lettres déjà bien épaisses du « R.I.P » griffonné dans mon carnet de notes. Juste en dessous de la pierre tombale en ruines que j'ai dessiné. En son honneur.
Ça fait des jours que je dors mal à cause de lui.
Je pousse un soupir fatigué, sans cesser les mouvements de ma main qui semble avoir enclenché le mode automatique. La mine du Bic frotte le papier. Jusqu'à le déchirer par endroits. Mais c'est plus fort que moi, on est le 8 mai...
Cette date merdique fait toujours remonter des souvenirs dont j'arrive pas à me débarrasser. Pourtant, j'avais que dix-huit piges. C'était y'a une éternité ! Et c'est dingue comme l'effet du temps est chelou. Je me souviens de ses yeux moqueurs, de ses sourires niais... Des innombrables surnoms débiles qu'il me donnait et même de son humour merdique. Mais plus du tout du timbre de sa voix. Ni de ce que je ressentais vraiment quand il me prenait dans ses bras. Je garde juste une impression de sécurité liée à notre relation.
Je crois que le l'ai été. En sécurité. Après tout, c'est grâce à Mikaël que j'ai échappé au putain de programme de réinsertion que ma génitrice prévoyait à ma sortie du CEF¹... Mais, en vérité, c'était pas si difficile de faire mieux que tout ce que j'avais connu jusque là. N'importe quoi d'autre aurait été mieux que me forcer à suivre un contrat d'apprentissage sous l'autorité du salopard qui m'a détruit toute mon enfance.
Je me souviens avoir menti à ma daronne, la veille de ma sortie, pour qu'elle et son soi-disant frère débarquent quelques heures en retard. Mike a pu me récupérer sans accroc aux portes de l'établissement lyonnais. Puis j'ai envoyé un ultime SMS à ma vieille avant de couper les ponts.
En l'espace d'un an au CEF, j'étais devenu pote de galère avec le petit frère de Mike. C'est Pierre qui a eut l'idée génialissime que je m'installe chez eux. Ça lui est venu d'un coup quand il a appris que je comptais recommencer à squatter à droite à gauche pour éviter de replonger dans le cauchemar écœurant que la justice qualifiait aveuglément de « chez moi ». Étant plus jeune que moi, Pierro avait encore près d'un an à attendre avant sa propre sortie définitive. Mais c'était pas un problème. Son frère pouvait m'héberger et me prendre sous son aile. J'allais dealer pour lui en échange... À l'époque, aucun de nous ne pensait que ça partirait en couilles. Du moins, pas de cette façon.
Un sourire sans joie s'immisce malgré tout sur mes lèvres. C'est toujours le cas quand je repense à la première manœuvre de rapprochement tentée par Mike. Il a bien failli me faire péter un câble ce jour-là, le grand couillon.
— Eh, Blacky, on dirait que tu te fais chier.
Je détourne mon regard blasé de la télé et le pose sur Mikaël, assis à l'autre extrémité du fauteuil.
Un peu, que je me fais chier !
J'ai aucun potes sur Lyon en dehors du centre. Pierro ne sera avec nous qu'un week-end par mois. Et lui, il a quoi, presque trente piges ? C'est un ieuv. On a pas grand chose à se raconter. On parle parfois de foot, de son frangin, et il m'enseigne toutes les ficelles du trafic rusé. Il est satisfait de mon efficacité et il répète joyeusement que mon don avec les chiffres pourrait me faire monter en poste assez vite dans le réseau. Mais c'est à peu près tout.
Sinon, ça fait un mois que je bosse pour lui. Un mois qu'il s'acharne avec ce surnom... Il a beau le dire en souriant comme un con et prétendre que c'est parce que je bosse pour lui « au black », je suis pas con.
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Libre ou Piégé ? [MxM |❤️🔥❤️🔥❤️🔥]
RomanceÉtudes et moments privilégiés avec mes proches. Voilà le train-train dans lequel je virevolte depuis mon retour en région parisienne... Jusqu'à ce que je croise Déhon. À la seconde où je pose mes yeux sur son sourire ravageur, le rythme de ma vie to...