my heart found

Chapitre 5

                     
Sacha

20h56

Je dois avouer que l'idée de Maël n'est pas si mauvaise. J'avais besoin de prendre l'air et de m'éloigner de tout ce qui pèse sur moi. Cela fait une semaine qu'une femme me suit partout, même au lycée, pour s'assurer que je vais bien et que je m'intègre bien dans mon nouveau lycée et chez ma grand-mère. Je dois dire que ma vie n'est pas facile en ce moment, et ma grand-mère en est consciente. Elle fait tout pour m'aider et me soutenir, mais avec sa petite retraite elle a du mal à suivre. C'est pourquoi je dois travailler pour l'aider. Je travaille dans un petit restaurant miteux, mais je suis bien payé, donc je m'estime chanceux, et je me dis que ça pourrait aider ma grand-mère. Elle a toujours été là pour moi, après le décès de mes parents, elle a été la première à m'accueillir à bras ouverts. Je lui suis éternellement reconnaissant pour le soutien qu'elle m'apporte au quotidien.

Je laisse toutes les choses qui me rongent de l'intérieur depuis un moment pour profiter de ce qui se passe sous mes yeux. Je vois un Maël heureux, défiant des vagues de trois mètres de haut.

-Tu as dit que tu étais débutant, mais je ne pensais pas à ce point, lui lançai-je d'un ton arrogant.

-On va rigoler, prends cette planche et on en reparlera.

-Si tu veux.

Je prends la vague, et de toutes mes forces, je monte sur ma planche et me lance sur celle-ci. J'arrive à toute vitesse sur le sable chaud de la plage, cette sensation est tellement agréable que je resterais bien là. Mais je décide de retourner à l'eau, et je vois Maël, la bouche entrouverte d'incompréhension.

-Le maillot de bain était à mon père, il surfait sur la côte nord de l'Australie. Il a remporté de nombreuses médailles et j'ai hérité de tous les trophées qu'il a ramenés à la maison. Je porte cette tenue pour lui rendre hommage, mais je vais rarement surfer, donc elle reste dans le grenier.

Après cette longue tirade, je reprends mon souffle et je réalise que j'en ai peut-être trop dit à ce sujet. Mais Maël ne s'attarde pas plus que ça, il doit comprendre que c'est un sujet sensible.

-Il commence vraiment à faire nuit. On remonte sur la plage ? Je voudrais le remercier de m'avoir sorti de ce moment de gêne, mais à la place, je réponds simplement par un oui de la tête.

Cela fait quinze minutes que nous discutons de tout et de rien dans le sable encore chaud, et je dois avouer que cette atmosphère réconfortante me rassure.

-Du coup, nous deux... on... on est juste amis, hein ?

Cette question me déstabilise, mais je dois garder la tête froide et lui dire que oui, lui et moi ne sommes que des amis.

-Oui, je crois en une amitié entre nous. Mais tu sais, j'ai beaucoup de soucis dans ma vie...

-C'est pas un souci Sacha, je suis ton ami, je peux bien supporter toutes ces choses. Et tu sais, moi aussi, c'est assez compliqué avec ma famille, on peut dire qu'on est à peu près dans la même situation.

J'écoute seulement la moitié des mots qu'il prononce, je suis trop occupé à le regarder, amicalement bien sûr. Ses cheveux bruns sont magnifiques, je devrais lui demander quel shampoing il utilise. Mais je conclus que lui aussi a des problèmes, et soudain je me sens moins seul.

-Faut que je rentre, ma mère va me tuer. Je suis sorti en douce, donc je dois vraiment y aller. Si elle me voit à cette heure-là, je ne suis pas sûr d'être en vie pour les cours demain.

Il dit cela avec humour, mais je sens qu'il a vraiment peur, sa voix tremble. Je me reconnais tellement en lui, et je dois dire que j'aime cette sensation d'être enfin compris.

-Je t'accompagne ? lui demandai-je.

-Non, t'inquiète pas pour moi. Et toi, comment tu rentres d'ailleurs ?

-Ma grand-mère vient me chercher dans 5 minutes.

-Je vais attendre ! Je veux faire la rencontre de la grand-mère de mon pote quand même, c'est pas anodin.

Je crois que personne ne s'était autant intéressé à moi auparavant. Nous attendons les 5 minutes sur une plage qui se rafraîchit par le manque de soleil, mais je sens sa chaleur. Je tourne la tête, et je vois un Maël plutôt normal, j'en déduis donc qu'il stresse à l'idée de se faire engueuler par sa mère.

-Elle est là. Je te laisse, à moins que tu veuilles encore venir la rencontrer.

-Toujours partant.

Nous nous dirigeons donc vers la voiture de ma grand-mère, enfin sa boîte de conserve qu'elle repeint elle-même chaque année. Ses phares éclairent une partie de la plage, plus précisément deux ados qui s'embrassent.

-Beurk, me dit-il avec beaucoup de second degré.

-Ne fais pas l'innocent. On a 17 ans, je te rappelle.

Nous sommes devant la voiture de ma grand-mère, elle est belle, elle a toujours été belle.

-Coucou mamie.

-Coucou mon chéri, ça a été ton petit tour de surf ?

-Oui, super ! J'ai même humilié mon pote.

Il se cache derrière moi avant de prendre la parole, il est timide, mais une fois qu'il part, on ne l'arrête plus.

-Bonjour Madame, vous allez bien ? Oui, votre petit-fils m'a humilié, il est très fort.

-Ne m'en parle pas, il tient de son père. On y va, mon chéri ?

-J'arrive, je dis au revoir au garçon qui aurait bien besoin de prendre des cours de surf.

♪ Musique : "Mystery of Love" de Sufjan Stevens ♪

-Salut, dors bien et ne te vexe pas trop pour tout à l'heure, tu te débrouilles plutôt bien en vérité.

-Oui, ça doit être ça ! À demain, dors bien.

-Merci, à demain.

21h33

Le trajet de la plage jusqu'à la maison de ma grand-mère se fait dans le plus grand calme. Je sens quelque chose dans ma serviette, un papier.

“Merci d'être venu, ça m'a fait du bien. Et je t'ai laissé être le plus fort au surf, mais crois-moi ou non, je suis plus fort que toi. À demain gros bras."

J'en étais sûr qu'il avait fait exprès, il a dû écrire le mot pendant qu'on attendait ma grand-mère. J'avoue que ça me fait bêtement sourire. Le surnom qu'il m'a donné encore plus. "Gros bras", je ris fort intérieurement.

Je rentre dans la maison vieillotte de ma grand-mère pour aller dans ma chambre, mais ma grand-mère m'interrompt.

-Il est sympa ce gamin. C'est ton nouvel ami ?

-Oui, on s'est rencontrés à la rentrée, on avait une fête en commun.

Je vais dans ma chambre pour de bon et me plonge littéralement dans les bras de Morphée. Cette journée a été d'une douceur incroyable, qui contraste avec la noirceur quotidienne que je dois affronter.