Chapitre 17

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Sacha

Les rayons du soleil passent à travers les vitres de la bibliothèque du lycée. Cette heure de trou dans mon emploi du temps déjà bien chargé m'a permis d'avancer sur cette tonne de devoirs que nos profs nous ont donnés. Les profs n'ont pas compris que non, les lycéens ne sont pas des robots. J'ai plusieurs contrôles à réviser, et je n'ai qu'une envie, passer à l'heure d'après. Les journées sont de plus en plus longues et j'en ai ma claque des cours. J'ai vraiment envie de partir à ce voyage, loin. Loin de tout ça. Avec ceux que j'aime, celui que j'aime. Et oublier tous mes problèmes.

Maël n'est toujours pas venu pour que je l'aide avec son DM de maths, enfin... pour qu'on s'embrasse en cachette. Et même trop en cachette. Et cette réaction qu'il a eue alors que sa mère allait nous surprendre m'a un peu perturbé. A-t-il quelque chose à cacher ? Il ne s'assume pas ? Ça, je vais bientôt le savoir. 

J'ai la tête plongée dans les livres de physique mais je comprends la même chose que si je les lisais à l'envers. Je ne pige décidément rien. Mais l'odeur des vieux livres qui m'entourent et le bip incessant du scanner de Mme Royel, la bibliothécaire, me rassurent sur la fin de cette année. C'est bientôt terminé Sacha, courage.

Le voyage s'organise vers la fin de l'année, et il arrive à grands pas. J'angoisse énormément à propos de ce voyage et de son organisation. C'est aussi un voyage pour lequel je me suis battu. Je suis passé par plein de petits boulots, mais le poste que j'ai me permet de faire ce voyage une bonne dizaine de fois. Cette aisance financière que je n'ai jamais eue me fait alors sourire comme un con alors que la bibliothèque est vide. Je n'ai jamais possédé autant d'argent sur mon compte et ma grand-mère est aussi épatée par moi, enfin elle l'a toujours été mais le fait que je puisse la mettre à l'abri m'enlève un poids des épaules.

L'heure d'après se déroule dans l'amphi et elle est destinée à l'organisation du voyage. Peut-être que cette heure va me rassurer, je ne sais pas. Mais ce voyage me tient à cœur. Je regarde alors l'horloge, il me reste 20 minutes pour comprendre ce que je lis et essayer de réviser. Mais un élément qui n'était pas pris en compte entre alors dans mon champ de vision. Maël et ses amis entrent dans la bibliothèque et se dirigent vers moi dans des pas silencieux pour ne pas énerver Mme Royel qui les regarde déjà de travers. Elle est l'image typique d'une bibliothécaire chiante. Mais bon, je l'aime bien quand même. Ça a été la première personne à me parler quand je mangeais tout seul dans les chiottes, et on a fini par manger tous les deux.

 — Bonjour mon damoiseau, ça va ?

— C'est quoi ce surnom ringard, je préférais gros bras encore.

— Je trouve que ça sonne mieux, mais t'en fais pas, t'es toujours aussi musclé.

— Arrête, tu vas me faire rougir, dis-je en rigolant.

Mais je sais très bien que je commence vraiment à rougir, et que lui aussi le voit.

— Tu viens pour ton DM ?

— Non juste pour toi. T'es bien habillé aujourd'hui ! Petit short, tranquille.

— Arrête, j'ai pris ce que j'avais sous la main.

On part alors tous les deux dans des éclats de rire, ça fait du bien de rire avec lui.

— Chut, nous dit alors Mme Royel et cette intervention nous fait encore plus rire.

— On va dehors ? me propose alors Maël alors que mon rire ne s'est pas atténué.

— J'ai rien compris à la physique, mais franchement au stade où j'en suis, on y va.

On part alors tous les quatre dehors, lui et ses amis. Une chaleur pesante s'abat sur nous alors que les portes en bois du lycée s'ouvrent sur les tables de pique-nique.

— On ne reste pas longtemps, on a la réunion après, nous dit alors Maël.

— J'ai envie de rester là toute ma vie, nous dit alors Kate alors qu'elle tient la main de Jessy.

La relation entre Kate et Jessy s'est amplifiée, elles s'aiment vraiment. Et je devrais en prendre de la graine. Moi aussi j'ai envie d'une relation sérieuse avec lui. Mais je préfère, pour l'instant, rester au stade "on est jeunes, on fait ce qu'on veut", c'est tout aussi bien comme ça. Et la tension, qu'il y a constamment entre nous deux, me montre bien que cette relation n'est pas rien, il y a quelque chose.

***

— On se met à côté ?

— Oui, pas de soucis mon damoiseau.

— Par pitié, stop avec ce surnom !

Je ris encore comme un con, mais c'est plus fort que moi quand je suis avec lui.

Le prof nous raconte alors comment va se dérouler le voyage. Les douches ne sont pas communes, ouf c'est déjà un bon point. Les chambres c'est filles avec filles et garçons avec garçons. Dans un regard entre Maël et moi, on comprend qu'on va alors jouer de cet atout.

— Encore une occasion pour me permettre de te mater ouvertement.

Un sourire élargit alors mes lèvres, il faut vraiment que j'arrête de sourire dès que ce mec ouvre la bouche. Ça devient grave.

— Tu rêves. Prends cette information comme tu veux mais sache que c'est moi qui vais te mater en premier mec. Je te regarderai dormir.

Alors que l'amphi est plongé dans un silence, nos rires éclatent. Je rougis de honte mais surtout parce que je viens d'avouer que oui, je vais le mater et non je ne vais pas m'en cacher. J'avoue que la partie "je vais te regarder pendant que tu dors" me fait flipper, mais un peu d'humour ne fait pas de mal. Je me rends compte qu'avec lui, je rattrape toute la joie de ces dernières années qui étaient rongées par la tristesse et le désespoir. Maël est comme un médicament.

Le prof nous expose alors les visites et les activités qu'on va faire durant ces deux semaines, et on en fait un paquet de visites.

Alors qu'il ne reste plus que 5 minutes avant la fin, j'attrape la main de Maël. Je la serre fort, c'est comme si toutes ces années de douleur étaient retransmises dans ce geste. Mais il ne dit rien, juste une peau qui rougit face à ce contact inattendu. Je l'aime mais j'ai encore du mal à lui montrer. Sa main est douce sous la mienne, et je sens son cœur battre dans ses veines. On se regarde alors dans les yeux. Ses yeux sont prêts à me dévorer. Mais notre contact visuel et physique est vite rompu par la sonnerie qui nous annonce la fin du cours.

— Salut Sacha ! On mange ensemble ce midi ?

— Non t'inquiète pas, il faut que j'aille réviser de toute façon. Bisou.

Bisou !? Sérieux ? Je ressemble de plus en plus au gars dans les téléfilms de Noël. Mais ma vie ressemble vraiment à un film depuis que je suis avec lui.

***

♪ SKINNY Billie Eilish 

J'arrache alors une page de mon cahier d'histoire. Et je décide de tout marquer sur papier, peut-être que ça va me faire du bien.

"Je suis décidément venu sur terre pour accomplir de grandes choses. Mais une me vient en tête alors que j'écris depuis le banc de la bibliothèque qui me fait mal au cul, répandre mon amour. Et je connais des personnes qui ne m'en ont jamais donné, mes parents. Mais aussi à une personne à qui j'en dois, Maël. Mais vu que je suis une personne qui ne sait vraiment pas s'y prendre, ça va être compliqué. J'ai regardé plusieurs tutos YouTube, mais rien ne m'a aidé. Je vais bien un jour faire le grand pas. Mettre en place une relation sérieuse entre lui et moi.

Je fais beaucoup de cauchemars, où je vois mes parents en train de mourir sous mes yeux mais je suis incapable de les aider. J'ai peur que mes vieux démons refassent surface. Si ces démons m'entendent, allez vous faire foutre et laissez-moi tranquille. Je veux vivre."



my heart foundOù les histoires vivent. Découvrez maintenant