Je saisis des sous-vêtements propres, une combinaison, et traîne des pieds jusqu'aux douches communes. Le miroir fêlé au mur me renvoie l'image pitoyable d'une fille brune au teint trop pâle, aux cernes profonds et aux lèvres gercées par la sècheresse. Le sommeil m'a fuie ces derniers jours. Quand je réussissais à m'endormir, des cauchemars incessants me réveillaient en sursaut. Mon corps entier est douloureux, chaque mouvement déclenche une vague de courbatures, comme des électrochocs. Je hais Arche de toutes mes forces.
Et Anoki... Je lui en veux à lui aussi. Il ne m'a pas libérée. J'ai fini par accepter l'idée que, lui et moi, nous ne serons jamais du même côté.
Je lance un regard furtif au garde qui fait les cent pas derrière dans le couloir.
— Vous permettez ? lui demandé-je avec une grimace.
Il lève les yeux au ciel, puis s'éloigne pour me laisser de l'intimité. Seule, nue, et exténuée, je me glisse sous le jet glacé sans même avoir la force de protester contre la température mordante. Un vide immense écrase mon moral. L'idée de me rebeller me semble si épuisante. Ma louve, prostrée dans un coin de mon esprit, refuse de réagir à quoi que ce soit.
Je frotte ma peau avec vigueur, en proie aux larmes, pour effacer l'odeur des gardes qui m'ont attachée. Mais l'eau se coupe brusquement, signant la fin de cette misérable douche.
Je sors de la cabine en grelottant. Un frisson subtil remonte mon dos, chatouille ma nuque, et se loge droit dans mon cœur. Le souffle court, je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule. Même si je ne le vois pas encore, sa présence irradie jusque dans mes cellules. Anoki est proche, si proche. D'une main mal assurée, j'attrape une serviette et m'enroule dedans.
L'Exécuteur apparaît dans l'encadrement de la porte, imposant et énigmatique. Mon corps tout entier se tend, mes lèvres se retroussent en un rictus, tandis qu'un sourire sardonique étire les siennes.
— Si tu avais attendu une demi-heure de plus, tu aurais eu de l'eau chaude. C'est à six heures qu'on rallume la chaudière.
— Pour ce que ça change, il n'y en a jamais assez pour tout le monde, de toute manière. Tu es venue pour te foutre de moi ? Si c'est le cas, dégage. Je ne suis pas d'humeur.
Il incline la tête sur le côté en feignant la curiosité, et a le culot de demander :
— Tu m'en veux ?
— Va te faire foutre, craché-je.
Je serre un peu plus la serviette autour de moi pour dissimuler le tremblement de mes mains. Sur le sol humide, je suis en train de crever de froid.
— Les taser des gardes sont modifiés de façon à infliger le plus de dégâts possible aux loups-garous, annonce-t-il.
— Et ?
— Et si tu avais résisté, tu te serais pris quelques bonnes décharges, ce qui t'aurait cloué au lit au moins une semaine. Le mieux était de coopérer pour réduire ta peine.
Un ricanement acerbe m'échappe. Le son ressemble plus à un trémolo qu'autre chose. Même si une partie de moi tente de me convaincre qu'Anoki a voulu me filer un coup de main, je ne digère pas son inaction.
Mais dans le fond, il bosse pour Arche, je ne devrais rien espérer venant de lui. Cette triste vérité me fout encore plus à genoux. Ma déception reste aussi vive que ma rancœur.
— Tu attends des remerciements de ma part ? sifflé-je.
— Non.
— Alors bouge de là, tu me bloques le passage.
VOUS LISEZ
La malédiction du dieu-loup
WerewolfSainte Terreur. Tous les loups-garous connaissent le nom de ce centre de redressement perdu au milieu de la forêt. On y envoie les malades, les faibles, les rebelles... ceux qu'on souhaite réduire au silence ou seulement oublier. Alix, fille d'Alph...