Elle reste figée, la bouche ouverte, les yeux grands ouverts. Puis elle éclate d'un rire à la fois nerveux et incrédule.
— Tu plaisantes, c'est ça ? Anoki, le dieu-loup ? Tu es en train de te foutre de moi. Tu n'assumes pas de m'avoir assommé ! C'est petit de ta part.
— C'est la vérité. Il m'a tout révélé il y a quelques heures. Il s'agit d'un dieu ancestral qui maîtrise la magie ancienne. Si je suis à Sainte Terreur, c'est parce qu'Anoki a conclu un pacte avec mes grands-parents, et j'en suis le prix.
— Je ne comprends plus rien. Tu m'as parlé d'une histoire de mariage arrangé...
— Je le pensais aussi, mais j'ai appris récemment que mes vieux m'avaient caché la vérité. Sakari a estimé qu'il fallait que je sache pour Anoki, alors elle l'a piégé, et j'ai découvert sa nature à son insu. Tu dois me croire, Cristal. J'ai vu Anoki sous sa forme de loup : il est immense, terrifiant et si... majestueux. Ce n'est pas un Exécuteur, comme tout le monde le croit.
Elle s'assied sur une grosse racine pour assimiler l'information. Son regard choqué parcourt la pièce, cherchant une quelconque preuve qui pourrait confirmer ou infirmer mes paroles. Je ne l'ai jamais vu aussi pâle.
— Tu vas tomber dans les pommes ? lui demandé-je avec prudence.
— Anoki est un dieu...
— Oui. Je t'avoue qu'il m'a fallu un peu de temps pour encaisser. Même encore maintenant, ça me semble irréaliste.
Elle se redresse d'un bond, l'air déterminé.
— Tu sais ce que ça signifie, Alix ?
— Qu'il trompe tout le monde depuis des siècles ? ricané-je.
Elle secoue la tête de gauche à droite, les mains sur ses hanches. J'envie sa facilité à garder la face, alors qu'elle se balade à poil. Des lucioles se posent sur elle, sans qu'elle s'en rende compte. Elle semble même attirer les insectes.
— Si ce que tu dis est vrai, continue-t-elle, ça signifie que j'ai couché avec une divinité. Plusieurs fois. C'est trop bizarre.
Ah. J'aimerais oublier ce détail, et éteindre les émotions profondes qu'il m'inspire. Je me détourne avec une grimace en décidant de m'intéresser aux symboles.
— Si tu veux t'habiller, lancé-je dans un grondement plein de jalousie, attrape l'un de ces sacs. Ils contiennent des vêtements.
Je frôle une rune inscrite sur le seul mur épargné par les racines. Dès que ma peau entre en contact avec elles, une énergie électrique dévale ma main.
— Ce n'est pas dangereux que j'apprenne un truc pareil ? m'interroge mon amie.
— Je... j'en sais rien, je n'y ai pas trop réfléchi. Peut-être. Tu penses pouvoir tenir ta langue ?
Je lui jette un rapide coup d'œil par-dessus mon épaule. Elle vient de décrocher un sac et renifle son contenu.
— Ces fringues sont à Anoki ?
— Oui. J'ignore à quoi elles lui servent, puisqu'il semble être capable de générer des vêtements quand il passe de sa forme de loup à celle d'humain.
— C'est vraiment un truc de malade...
Je suis sûre qu'elle ne parle pas des fringues. Pendant qu'elle s'habille, j'essaie de me persuader qu'Anoki ne m'en voudra pas d'avoir trahi son secret. Évidemment, il va être furieux. Quelques minutes plus tard, alors que je viens de répondre à ses trois mille questions, elle conclut :
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La malédiction du dieu-loup
Hombres LoboSainte Terreur. Tous les loups-garous connaissent le nom de ce centre de redressement perdu au milieu de la forêt. On y envoie les malades, les faibles, les rebelles... ceux qu'on souhaite réduire au silence ou seulement oublier. Alix, fille d'Alph...