Deux surveillants gelés m'attendent dehors. Ils empestent la peur et observent autour d'eux avec une angoisse évidente. Ils craignent les créatures de l'ombre. Dès qu'ils entendent Arche sortir, ils se mettent presque au garde-à-vous.
— Nous rentrons, ordonne le sorcier-loup. Si elle tente de filer, vous avez carte blanche pour la neutraliser.
Les poils sur ma nuque se hérissent. Un grondement sourd s'échappe de la bouche d'Anoki, repris en écho par le mien. Les types armés de lampes torches se placent derrière-moi, chacun d'un côté, au cas où je déciderais de fuir. L'idée me plaît bien. Si je m'enfonçais profondément dans les bois, ils ne me retrouveraient jamais. En ce qui concerne Anoki, c'est une autre histoire. Je lui coule un regard meurtrier qu'il ne relève pas. Le visage fermé, la démarche droite, les muscles crispés, il demeure en retrait du groupe. Je suis en train d'espérer, secrètement, que Sakari attaque. Où sont ses ombres quand on j'ai besoin d'elles ? Je tends l'oreille, mais le silence environnant est aussi écrasant que la présence d'Arche.
Merde, je déteste me retrouver coincée.
Personne ne parle pendant une grande partie de la route. La dextérité d'Arche ne cesse de me surprendre malgré le chemin accidenté. Il se déplace avec l'agilité d'un jeune loup-garou plein de fougue.
Comme s'il sentait que je le fixais, il tourne légèrement la tête dans ma direction. À l'instant où ses iris jaunes rencontrent les miens, Une vague d'énergie brute m'envahit. Mes jambes flanchent, et je m'écroule au sol. Mes genoux heurtent durement une racine, mais la douleur physique n'est rien comparée à celle qui déchire mon âme. La présence rassurante et puissante de ma louve est balayée de mon esprit comme un fétu de paille. Un hurlement de désespoir m'échappe alors que je sens notre lien s'étirer jusqu'à la limite de la rupture.
— Arrêtez ! gémis-je. Pitié...
Un sanglot arrache ma poitrine, et le monde se met à tourner autour de moi. Une barrière impénétrable s'élève maintenant entre ma conscience et celle de ma bête, rendant son existence quasiment imperceptible. Le choc est encore pire que ces derniers jours où notre connexion était déjà affaiblie. La panique m'envahit, la terreur aussi. Je lutte pour reprendre mon souffle, le corps secoué de spasme.
— Non, ordonne le directeur d'une voix lointaine. Si tu essaies de l'aider, j'élimine sa louve d'un claquement de doigts. Elle doit comprendre que me défier à un prix.
Une cage invisible se dresse dans mon esprit, plus solide que ma détermination. Je relève la tête, un haut-le-cœur au bord des lèvres. Arche continue de me fixer avec un sourire cruel. Les gardes murmurent, sans que je réussisse à déchiffrer leurs mots. Les secondes s'étirent, mon estomac se retourne. Je vomis longtemps, en proie à un froid terrible. Quand je parviens à respirer normalement, et que ma gorge en feu ne m'élance plus, je me rends compte qu'il pleut des cordes.
— Occupe-toi d'elle, ordonne Arche avec dédain.
Quelqu'un me soulève. Je me trouve plaquée contre le torse d'Anoki, toujours en état de choc. Mes poumons brûlent. Mon âme aussi. Un sifflement aigu déchire mon crâne en continu.
— Je te déteste, murmuré-je après de longues minutes.
— Je sais.
Le temps glisse sur moi avec la douceur d'une lame de couteau. Je reprends à voix basse :
— Laisse-moi quitter Sainte Terreur. J'ai changé d'avis. Il faut que je parte.
— Je suis désolé. Il est trop tard. Il fallait agir avant...
— Avant quoi ?
— Avant que ton refus soit considéré comme une acceptation tacite de rester. La magie ancestrale a des règles, Crimson. Des règles cruelles.
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La malédiction du dieu-loup
LobisomemSainte Terreur. Tous les loups-garous connaissent le nom de ce centre de redressement perdu au milieu de la forêt. On y envoie les malades, les faibles, les rebelles... ceux qu'on souhaite réduire au silence ou seulement oublier. Alix, fille d'Alph...