Chapitre 1 - La routine de Wangari

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Encore ensommeillée, Wangari frotta ses yeux pour accueillir la lumière naissante. Elle estimait qu'il devait être six heures du matin, lorsque les premiers rayons du jour se mêlent encore à la nuit. Son regard s'ancra alors sur l'unique technologie admise ici : sa montre.

Vingt-quatre.

Après avoir soigneusement fait son lit, elle enfila son peignoir rapiécé. Elle se demandait comment celui-ci tenait encore debout. Elle craignait qu'il ne finisse par se réduire à l'état vers lequel il semblait dangereusement tendre. Comme à son habitude, elle se dirigeait d'abord vers le couloir, à la recherche de sa serviette de bain. Le choix du savon végétal relevait ensuite d'une cérémonie délicate. Cela consistait à trouver un morceau qui n'avait pas été effleuré par des mains inconnues. Rien n'était plus désagréable au toucher qu'un savon qui était à la fois moite et froid. Il lui fallait ensuite dénicher un t-shirt dans la penderie et un pantalon de travail dans l'étagère commune. Par bonheur, les âmes maniaques avaient, ce jour-là, laissé leur empreinte d'ordre et les habits se trouvaient rangés par taille. Une fois parée de son savon, de sa serviette et des vêtements indispensables, il suffisait de se rendre à l'extérieur, dans la zone de baignade. Elle était bordée d'une rivière où les reflets du ciel s'entrelaçaient avec les éclats de la flore. De vieilles pierres servaient de bancs tandis que la végétation luxuriante y peuplait l'air de parfums naturels. C'était un endroit où l'on renouait avec l'essentiel, où l'on découvrait l'apaisement de l'harmonie avec la nature. Au début, se laver en communauté avait de quoi déconcerter, mais avec le temps, on s'y habituait : ici, la pudeur n'avait pas sa place. Une fois propre, la serviette et le peignoir déposés à leurs emplacements d'origine, il était temps de se réunir et de partager le petit-déjeuner. Celui-ci était à la fois copieux et diversifié. Du pain au levain ou d'épeautre, des œufs, du lait, des fruits de saison, des céréales, de la confiture de fraises sauvages, d'abricots ou de lavande ainsi que des jus de fruit. Wangari s'efforçait toujours d'accomplir cette routine matinale avec une pratique attentive de la pleine conscience, mais son esprit vagabondait toujours, se perdant dans les méandres d'un autre monde.

Comme souvent, l'arrivée de Wangari fut soulignée par le sourire radieux de Maynard, qui s'installa avec enthousiasme à ses côtés.

- Alors, prête à entamer cette journée ? s'enquit-il, son visage illuminé par une lueur d'excitation.

- Je l'étais... Avant que tu n'arrives. Répondit-elle avec un sourire.

Parmi ses camarades les plus proches, Maynard occupait une place de choix. Bien souvent, ils étaient réunis pour accomplir les tâches qui leur étaient assignées. Cette situation agaçait passablement Wangari, car Maynard avait un caractère trop dissipé à son goût. Cela entravait leur quête d'accumulation de points. Elle était persuadée qu'il devait avoir quatorze ou quinze ans, tant il faisait preuve d'une immaturité manifeste. Ses efforts pour accomplir les tâches qui lui étaient confiées semblaient limités, l'obligeant à répéter maintes fois les instructions. Toutes les informations nécessaires figuraient pourtant sur son propre tableau de bord.

- On est en binôme aujourd'hui ! annonça Maynard, qui n'était jamais désarçonné par les réponses peu enjouées de Wangari. Poursuivant sur sa lancée, il ajouta :

- On nous a confié la tâche de gérer la presse pour extraire le jus ce matin, en plus de la récolte des légumes destinés à l'équipe cuisine. Après une brève hésitation, il poursuivit. Des points supplémentaires sont possibles ce soir si on accepte de prolonger notre journée en nous chargeant de laver le linge.

Les heures supplémentaires et les corvées n'étaient pas attrayantes pour lui, mais toutes les tâches d'une journée devaient être réalisées avec la même personne. Maynard était conscient du zèle de Wangari qui visait à accumuler le plus grand nombre de points. Lui, de son côté, était plus détendu à ce sujet. Il ne pouvait cependant nier que sa présence entraînait la perte de quelques points en cours de route. Il ressentait une pointe de culpabilité à ce sujet. Évidemment, Il ne l'admettrait jamais. Une petite voix intérieure lui murmurait qu'il pourrait bien consentir à fournir un effort de temps en temps, mais l'appel du divertissement éclipsait souvent son désir de considérer le sort des autres. Wangari, achevant de croquer sa pomme, laissa échapper un soupir.

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