Chapitre 8 - Dans ma tête

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Ce 8 juin 2050, un huissier, vêtu de gris et à l'élégance discutable, vint frapper à ma porte. Il exigea de voir ma pièce d'identité puis m'invita à le suivre vers un lieu à l'abri des regards indiscrets. Une boîte scellée fut remise entre mes mains. Son extérieur était sobre, revêtu d'un noir mat, sans ornement ni fioriture. Le sceau apposé, arborait fièrement les emblèmes officiels. Le huissier s'évaporant aussi promptement qu'il était apparu, je me hâtai d'ouvrir le colis. L'intérieur du coffret semblait avoir été soigneusement organisé. J'y trouvais un passeport et une série de codes. Je vis aussi une adresse, notée sur un morceau de papier. L'urgence de s'y rendre était palpable dans les instructions fournies. Chaque mot choisi semblait peser comme un impératif. La boule au ventre, les yeux fixés sur le papier, je me lançai vers la route indiquée. La carte laissée dans la boite guidait mes pas à travers des rues silencieuses. Les indications me menèrent finalement à un bâtiment dont la façade était discrète. De la structure, nichée dans un coin reculé, émanait une atmosphère inquiétante, presque sale.

À l'entrée, je fis appel à l'un des codes soigneusement remis, déverrouillant l'accès à un ascenseur. Les portes se refermèrent derrière moi alors que le mécanisme commençait sa descente. Qu'allaient-ils me réserver à l'intérieur ? Les secondes semblèrent s'étirer. Les portes s'ouvrirent enfin sur une pièce morne, dépourvue de tout artifice. Les murs étaient revêtus d'une peinture défraîchie. Des luminaires au néon, vacillants et émettant une lueur froide, éclairaient des rangées de dossiers empilés de manière totalement chaotique, créant des ombres qui dansaient sur les parois. Le sol émettait un léger grincement à chaque pas. Il n'y avait pas de fenêtre, ce qui donnait un aspect lugubre et l'impression qu'on ne repartait pas d'ici avec l'intégralité de ses organes. 

Au centre de la pièce, mon regard se posa sur un individu dont la présence évoquait plus d'ombre que de lumière. Vêtu sobrement, ses habits semblaient être une extension de l'austérité qui régnait dans la pièce. Son visage était impénétrable, marqué par des traits anguleux. Il tenait dans sa main une machine étrange. En observant de plus près, les contours détaillés de l'engin commencèrent à se dessiner. Des cadrans s'étendaient le long de la poignée tandis que la partie inférieure de la machine était équipée d'aiguilles fines, alignées comme des soldats prêts à exécuter une mission. C'était une machine à tatouer. Le bourdonnement, à peine perceptible mais distinct, me confirma ma théorie. L'homme, impassible, consultait une fiche entre ses doigts. Lorsqu'il me fixa, son regard transperça le silence de la pièce. Sa voix, d'une assurance indéniable, me demanda un autre code figurant sur mon passeport. Il n'y avait pas de place pour l'hésitation dans ses paroles, on ne pouvait que se soumettre à une obéissance immédiate. Puis, de manière presque protocolaire, il m'invita à m'asseoir.

- Qu'est-ce que vous allez me faire ? demandai-je, mes yeux se posant sur une liste de codes, chacun accompagné d'un chiffre semblable à un numéro de série.

Une lueur d'inquiétude traversa mon regard. Allait-on me réduire à ce numéro ? Si le silence qui suivit ma question avait pu être pesé, il aurait sûrement dépassé plusieurs tonnes.

- Tendez votre bras ici, je vais vous délivrer votre certificat d'appartenance aux Jeunesses Citoyennes, m'annonça-t-il.

À cet instant précis, la révélation s'est abattue sur moi comme un éclair. Le passeport définitif, le sésame pour la vie, dépendait de cette marque indélébile qui serait inscrite sur ma peau. C'était mon droit de décider à qui je voulais offrir ces points. Non, ce n'était pas moi qu'il fallait tatouer. Pourtant, l'homme persista, dévoilant un entêtement sans doute conforme aux instructions qu'il était chargé d'appliquer. Il n'y avait pas l'air d'avoir de négociation possible.

- Je vais vous amener quelqu'un d'autre, répliquai-je, en dégageant mon bras avec ferveur.

- Je regrette, mais les instructions sont claires : je dois vous tatouer vous, et personne d'autre, répondit l'homme, sans montrer la moindre volonté de coopération.

Ses paroles étaient prononcées avec une assurance glaciale qui me fit frissonner.

- Alors, je m'en vais. Je trouverai une autre solution.

Je quittai la pièce précipitamment, laissant derrière moi un homme impassible et des idées confuses dans ma tête. Rien ni personne ne pourrait me forcer à accepter des choix qui n'étaient pas les miens. Il me fallait trouver une issue et protéger ceux qui me tenaient à cœur.

ResponsableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant