PARTIE 27

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Après un moment d'intense concentration, Kathleen rouvrit lentement les yeux, encore éblouie par les éclats de lumière dansant derrière ses paupières. Elle cligna des yeux à plusieurs reprises, s'adaptant peu à peu à la lueur ambiante de la pièce poussiéreuse du manoir. Ses contours familiers commencèrent à se dessiner lentement, mais quelque chose clochait. Tess, qui était là quelques instants auparavant, avait mystérieusement disparu. Kathleen se redressa, regardant autour d'elle avec une pointe d'inquiétude. Elle la chercha du regard, se remémorant les derniers instants en sa compagnie. Elles étaient là, toutes les deux, se concentrant sur leurs pouvoirs respectifs. Tess s'entraînait à affiner son don d'empathie et à développer ses compétences de clairvoyance, tandis que Kathleen tentait de maîtriser le voyage de son esprit à travers les époques sans recourir aux ruines. Elles avaient besoin d'unir leurs forces, mais quelque chose avait dû perturber le processus. Peut-être que Tess avait été victime du même phénomène et qu'elle se trouvait simplement dans une autre partie du manoir, pensait-elle en prenant une grande inspiration pour se calmer. Elle jeta un dernier coup d'œil circulaire autour d'elle, puis se dirigea vers la sortie dans l'espoir de trouver son amie. Kathleen avança dans le couloir sombre, ses pas résonnant sur le plancher usé. Elle se retrouva devant un escalier en bois orné, autrefois majestueux, mais les rampes éraflées témoignaient de l'usure du temps. Tandis que les marches craquaient sous son poids, son regard fut attiré par le lustre qui pendait du plafond, partiellement intact. Il oscillait légèrement dans la brise, ses cristaux ternis étincelant faiblement dans la lumière qui traversait les planches clouées sur la fenêtre d'en face. Kathleen pouvait presque imaginer le lustre dans toute sa splendeur d'antan, illuminant autrefois les salons de réception animés par des conversations et des rires. Cependant, la réalité était tout autre. Le plafond et les murs tapissés montraient des signes évidents de dommages causés par l'eau et la moisissure. Des taches sombres s'étalaient sur le papier peint délavé, et des morceaux de plâtre s'étaient détachés du plafond, révélant le squelette de la structure en dessous. Un sentiment de mélancolie envahit Kathleen alors qu'elle contemplait le manoir dans tout son délabrement. Ce qui était autrefois un lieu de splendeur et de grandeur était maintenant un vestige de son passé glorieux, témoignant de la fragilité du temps et de la nature éphémère de la vie. Kathleen descendit prudemment les escaliers, chaque marche émettant un grincement sourd sous son poids. Arrivée au rez-de-chaussée, elle fut accueillie par une scène désolante. Des meubles dispersés jonchaient la pièce, couverts de draps sales et usés, comme des fantômes figés dans le temps. Leur forme déformée par la poussière et l'abandon semblait raconter une histoire de négligence et de solitude. Kathleen fut envahie par un sentiment de déclin et de nostalgie en voyant l'état délabré du manoir où vivent Tess et Eliott.

— Tess ? Cria-t-elle, son appel résonnant dans le silence oppressant de la pièce.

Aucune réponse ne vint lui faire écho. Seuls les murmures lointains du vent s'infiltraient à travers les fissures des fenêtres délabrées. Kathleen avança prudemment et s'approcha d'un vieux fauteuil recouvert d'un drap jauni. Elle le souleva doucement, espérant naïvement trouver une trace de vie sous cette couverture poussiéreuse. Kathleen, déçue par le silence, décida de faire une deuxième tentative en appelant quelqu'un d'autre.

— Y a-t-il quelqu'un ? Appela-t-elle. Tess ? Eliott ? Mme Wesley houhou !

Alors que ses appels restaient sans réponse, Kathleen sentit une légère panique monter en elle. Elle s'approcha de la fenêtre la plus proche et jeta un regard nerveux à travers les carreaux sales. À l'extérieur, le paysage était plongé dans un calme étrange, et bien différent de ce qu'il était lui aussi, renforçant la mauvaise impression qui pesait sur elle. Déterminée à trouver une explication à cette atmosphère inhabituelle, Kathleen décida de se diriger vers la porte d'entrée pour explorer les environs et chercher des signes de vie. Kathleen ouvrit la porte d'entrée avec précaution et pénétra dans l'air frais de l'extérieur. Dès les premiers instants, elle sentit quelque chose d'étrange, comme si elle avait été transportée dans une autre époque. Les bâtiments environnants revêtaient une architecture typique du XVIlle siècle, et des attelages tirés par des chevaux passaient devant elle, émettant le cliquetis familier des sabots sur les pavés. Les gens qui traversaient la rue étaient vêtus de costumes anciens. Un mélange de joie et d'étonnement envahit Kathleen alors qu'elle comprit qu'elle avait réussi ce qu'elle espérait tant : faire voyager son esprit à travers les époques sans l'aide des ruines. Cependant, alors qu'elle empruntait le chemin y menant, elle remarqua que les passants la regardaient d'une manière étrange, presque suspicieuse. Certains chuchotaient entre eux, jetant des regards furtifs dans sa direction. Ce qui était le plus étrange, c'est que personne n'était sensé la voir. Kathleen se sentit soudainement mal à l'aise et l'idée qu'elle puisse se trouver là en chair et en os lui traversa l'esprit. Peut-être que ses pouvoirs, combiné à ceux de Tess avait fait ce qu'elle pensait impossible. Dans ce cas, pas étonnant qu'ils me regardent de cette façon, pensa-t-elle en jetant un œil aux vêtements qu'elle portait. Pressant le pas, impatiente de pouvoir enfin découvrir ce que sont devenus ses vrais parents, Kathleen se fraya un chemin à travers les rues pavées, ignorant les regards curieux des passants. Après une longue marche à travers les rues étroites et tortueuses de la ville ancienne, Kathleen ressentait la fatigue peser sur ses épaules. La nuit avait enveloppé les environs, faisant danser les ombres des bâtiments séculaires sur les pavés usés. Les réverbères vacillants jetaient des lueurs fantomatiques, éclairant à peine le chemin devant elle. Son cœur battait la chamade dans sa poitrine, non seulement à cause de l'obscurité croissante, mais aussi à cause de l'incertitude qui planait. Alors qu'elle tournait au coin d'une ruelle étroite, elle fut frappée par une scène étrange et surréaliste. Un homme se tenait là, au milieu du chemin, immobile comme une statue. Son dos était tourné vers Kathleen, et il semblait absorber les ténèbres de la nuit. Une sensation de malaise s'empara d'elle, faisant frissonner sa colonne vertébrale. Les bras ballants, il fixait une masse noire étendue au sol. Kathleen ne remarqua pas tout de suite cette forme obscure, mais lorsque ses yeux s'adaptèrent à l'obscurité croissante, elle distingua clairement ce qui semblait être un corps inerte, abandonné sur le sol pavé. Un hoquet de surprise s'échappa involontairement des lèvres de Kathleen. Son cœur battait la chamade alors qu'elle observait la scène avec une curiosité mêlée de terreur. Qui était cette personne allongée là, et que lui était-il arrivé ? Se demandait-elle intérieurement. Une bouffée de peur monta en elle, l'incitant à reculer instinctivement, pourtant une autre partie d'elle voulait s'approcher, découvrir la vérité derrière cette vision macabre. Cependant, avant même qu'elle puisse décider de son prochain mouvement, l'homme se raidit soudainement. Comme s'il avait senti sa présence, il se retourna brusquement, faisant face à Kathleen. Kathleen retint son souffle en voyant le visage familier de l'homme se révéler sous la faible lueur de la nuit naissante. C'était Eliott, où plutôt Edward, mais quelque chose dans son regard semblait étrange, presque vide. Elle sentit un frisson lui parcourir l'échine et une vague de terreur s'empara d'elle. Kathleen le fixait, perplexe, son esprit en proie à un tourbillon de questions. Pourquoi semblait-il si distant, si différent de l'homme qu'elle connaissait ? Elle se demanda alors si elle avait vu juste, Edward et Eliott étaient-ils vraiment la même personne, où son esprit lui avait-il joué des tours ? Eliott, les yeux empreints d'une lueur d'espoir et de surprise, observait Kathleen avec une intensité mêlée d'incrédulité. Il semblait percevoir une vision irréelle, celle de celle qu'il croyait perdue à jamais. Un éclat d'espoir naquit dans ses prunelles, illuminant son regard de la lumière vacillante de l'espoir retrouvé.

𝐄𝐃𝐆𝐄𝐖𝐎𝐎𝐃 [ 𝐓𝐄𝐑𝐌𝐈𝐍𝐄𝐄 ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant