Lentement, l'enfant s'approcha de l'instrument de musique placé sur la scène. Il savait quoi faire, quoi jouer, sa formidable mémoire qui lui avait permis de parvenir à cette réputation de musicien international avait enregistré chaque note, chaque accord, chaque variation. Mais ce soir, son coeur n'était pas d'accord. Ce soir, il voulait entendre cet air que le garçon avait inventé la veille en attendant son professeur. Il savait qu'il était plus fort que la raison, comme chez tous ces petits êtres qui n'étaient pas encore pervertis par l'argent et le pouvoir.
L'enfant s'assit sur son siège et posa les mains sur les touches. Tous les regards étaient tournés vers lui. Il commença à jouer. Ce n'était pas l'air classique tant de fois interpréter et écouter, c'était une mélodie douce, légère, qui rappelait l'enfance, le bonheur simple, l'innocence. L'air commença à accélérer, les mains du petit garçon volait sur les touches. Son coeur et ses pensées étaient tournées vers les 1001 aventures qu'il rêvait de vivre, son cerveau et ses doigts traduisaient le tout en un morceau entraînant, mais personne ne tapait des mains ou du pied de peur de briser cet instant magique. Aucune faute n'était commise, aucune hésitation ne transparaissait. Le bonheur et la liberté à l'état pur. Puis le rythme commença doucement à ralentir, à être nostalgique, rêveur. Le forte devint piano, et la musique lentement s'éteignit.
Le regard du chef d'orchestre, d'abord ébahi puis courroucé, s'eclaira sous le tonnerre d'applaudissements de la salle entière, qui remerciait l'enfant pour ces instants passés.