L'escalade de la montagne leur avait pris trois jours. Trois jours d'efforts, de frissons, de difficultés, de froid. Mais aussi trois jours à savourer chaque mètre gagné à la montagne, à découvrir un panorama à chaque prise plus grandiose, plus puissant. Ce n'était pas la plus grande des montagnes, ni la plus escarpée, mais ils l'avaient choisie avec leurs âmes. Et ils avaient décidé de monter jusqu'au sommet sans corde, ni piolet, ni rien, à la seule force de leurs muscles et au seul courage de leurs coeurs.
La préparation avait durée un an. Une année pendant laquelle ils avaient dû conjuguer vie familiale, vie professionnelle et entraînement sportif de haut niveau. Une année pour convaincre leurs proches qu'ils n'étaient pas fous. Une année pour étudier la météo et les risques en montagne. Une année où ils s'étaient séparés d'amis de longue date qui ne les comprenaient pas. Une année enfin pour apprivoiser la paroi qu'ils allaient escalader. Connaître chaque prise, chaque replat où ils pourraient se reposer et dormir, car ils savaient qu'un jour ne suffirait pas.
Et enfin le départ. Quelques larmes, un peu d'appréhension, mais beaucoup d'excitation! Une année de leurs vies allait soit prendre sens, soit les mener à leurs morts.
Le premier jour avait été le plus facile: la motivation était intacte, le doute pas encore permis, la fatigue reléguée au second rang par la splendeur du spectacle qui s'offrait à leurs yeux. La première nuit fût reposante: le replat était large, sécurisant, et l'altitude n'était pas encore écrasante. Le second jour amena son lot de douleurs musculaires et de frayeurs. Un pied qui dérape, une prise mal assurée, le frisson de peur qui ébranle le groupe. Puis la panique en s'apercevant que le replat se situe plus haut que prévu, et qu'il faut continuer de nuit. Et enfin le dernier jour, le plus facile et le plus difficile à la fois. L'impatience est responsable de tant d'erreurs!
Quand ils furent en haut, ils ne parlèrent pas, ne se regardèrent pas. Non, tous étaient tournés vers le vide, l'endroit d'où ils venaient. Puis la joie et le bonheur. Immenses et indescriptibles. Ils avaient réussi, ils étaient au sommet!
