Chapitre 10 - Noah

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Je détaille Louison de la tête aux pieds. Je ne l'avais encore jamais vue en tenue de sport.

Je laisse glisser mon regard sur sa silhouette, avant de me reprendre. Tu es dans un cimetière Noah. Devant la tombe de ton meilleur pote qui plus est.

Il me faut bien quelques secondes pour me concentrer sur autre chose que sur Louison, le creux de sa gorge luisant de transpiration et ses joues rosies par l'effort.

Je pensais que coucher avec Sam m'aurait aidé à contrôler mes hormones. Mais apparemment, je suis faible. Faible face :

1)    Au combo jogging gris + sweat à capuche sur une meuf ;

2)    À Louison ;

3)    L'idée des cuisses de Louison autour de...

—   Noah ?

Je lâche son bras.

—   Hey, je m'exclame après m'être remis du choc.

Si ce n'est pas un signe qu'il n'y a plus rien à sauver entre Sam et moi, je ne vois pas ce que c'est. Parce qu'au grand jamais je n'avais envisagé Louison sous cet angle – ni aucune meuf, d'ailleurs. Enfin, jamais avant de la croiser au cinéma. Ou alors, est-ce que... Non, il n'y avait aucune ambiguïté dans notre groupe. Ça doit encore être une de mes nouvelles obsessions, sponsorisée par une vie de couple merdique et du sexe encore plus merdique. Ou bien... Ou bien, j'ai eu deux ans pour me rendre compte que je tenais à elle d'une manière légèrement différente.

Je crois qu'une longue virée en moto va être nécessaire, parce que le but ce n'est pas de choper Louison, c'est qu'elle nous voie à nouveaux comme ses meilleurs amis. Je vais donc enfermer mes petits fantasmes du moment dans un coin de ma tête, car si je fais tout foirer, Romy va me tomber dessus.

—   Tu viens souvent ?

Je suis surpris par sa question. Par la question et par le fait que Louison me parle d'elle-même.

—   Ici ?

Bah non, Noah, au bar du coin !

Je hausse les épaules. Il n'y a pas de raison de lui mentir.

—   Souvent, je ne sais pas. Régulièrement, oui.

—   Pourtant, on ne s'est jamais croisés.

Rectification : elle ne m'a jamais capté, mais c'est déjà arrivé quelques fois que je la voie s'avancer vers la tombe de Louis au moment où je m'apprête à passer devant la loge du gardien – Gary, si je me souviens bien. Alors je sors la première chose qui me passe par la tête :

—   C'était peut-être pas le bon moment. Genre, l'univers qui nous préservait ou je ne sais pas quoi.

L'univers qui nous préserve, et puis quoi encore ? Ok, j'ai dit que peut-être que Louis faisait en sorte de mettre Louison sur notre chemin pour qu'on se sorte les doigts et qu'on remédie à la situation, mais ce n'était pas en mode pseudo-philosophe de comptoir.

Heureusement, Louison ne relève pas. Elle ose même une petite plaisanterie. C'est la journée de toutes les surprises ! Le pire, c'est que je sais que malgré tout ce qu'il s'est passé, malgré la distance qu'à mis Louison entre nous, notre complicité n'est pas bien loin. Il faut juste la déterrer, la dépoussiérer et lui faire un bon massage cardiaque.

En revanche, j'essaye de ne pas forcer les choses. J'ai l'impression d'avoir affaire à un chat sauvage – et j'en ai vu quelques-uns pendant mes stages en clinique vétérinaire.

Enfin, ça c'était la théorie. Chassez le naturel, il revient au galop. Et mon naturel à moi, c'est de parler trop, trop vite, et sans forcément activer de filtre.

Noah sous les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant