Kim Taehyung, 18 ans,
Octobre 2018, Seoul.
Je vise l'heure sur mon smartphone, comme une vieille rengaine : minuit quatorze. Je quitte la salle de bain après avoir pris une bonne douche. Il est presque tôt, ça faisait un moment que nous n'avions pas terminé à cette heure-ci.
Lorsque nous avons arrêté le live, nous nous sommes goinfrés de cochonneries que nous n'avions pas savourées depuis longtemps, et nous avons décidé de ne pas participer à l'after*.
Cette soirée nous tentait à première vue et, malgré la fatigue, nous étions prêts à nous mêler à cette foule de passionnés de musique. Cela nous aurait permis de rencontrer du monde, de nous sociabiliser après une longue période à n'être entourés que des mêmes personnes. Cependant, l'accueil qui nous a été réservé par les artistes nous a quelque peu refroidi. Nous n'avons pas la même notoriété et il n'y a probablement que peu d'intérêt pour eux de nous côtoyer. C'est le sentiment commun que nous avons eu, mais nous pouvons nous tromper. Ils étaient tous très agités alors il se peut que la pression les aient fait nous ignorer superbement. Je préfère penser ainsi.
Je longe le couloir et débouche sur notre chambre, dans laquelle mes camarades sont déjà endormis. Je suis généralement le dernier à me coucher, souhaitant prendre mon temps dans la salle d'eau. Je suis donc surpris lorsque j'aperçois le visage de Jungkook, éclairé par son téléphone.
Je sais déjà ce qu'il fait, j'ai remarqué qu'il lisait les commentaires après la sortie de nos contenus. Il accorde de l'importance à ce que les gens racontent, dans le positif comme dans le négatif. J'ai le sentiment qu'il se nourrit de l'impression des autres, qu'il l'utilise comme un moteur pour se surpasser. Le jour qui suit ce type d'événement, il est alors plus nerveux que d'habitude, se laissant submerger plus facilement. Ça disparaît généralement après une bonne séance de sport qui lui permet d'évacuer ce trop-plein d'émotions.
J'avance jusqu'à lui d'une démarche lente, y allant à reculons, puis me plante à sa hauteur. Mes coussins sont encore dans son lit, plaqués contre le mur, et je prends cette constatation comme un bon présage.
Il ne se déconcentre pas, même lorsque je demande à voix basse :
— Je peux ?
Je n'explique pas ma requête, je sais qu'il comprend ce que je veux, notamment lorsqu'il lève ses yeux sur moi. Dans la pénombre, je ne peux observer la profondeur de son regard noir, mais ses traits, éclairés par son appareil, me laissent entrevoir son air dubitatif. Il cligne lentement des yeux en pinçant ses lèvres entre elles, j'en viens à me dire qu'il va m'envoyer une vacherie à la figure.
Puis il reporte son attention sur son téléphone. Alors que je pense que la conversation va se terminer ainsi, en ne débutant même pas, il soupire en se déplaçant sur le côté. Il me surprend même en prenant la parole :
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EODUM - Bedmates [TAEKOOK]
Romance[HISTOIRE TERMINÉE] [CONTIENT DU CONTENU MATURE] EODUM signifie « obscurité » ou « noir » en coréen. _________ RÉSUMÉ : Kim Taehyung ne s'attendait à rien de particulier en passant l'audition pour FreeBeat, une agence de K-pop en pleine ascension. C...