Chapitre 14

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– La légende raconte l'histoire d'une femme enceinte qui serait partie vivre dans la forêt après que son amant l'aie laissée seule avec son bébé, commença Mélusine. C'est vrai. Cette femme est morte cinq ans après sa disparition dans la forêt, c'est vrai aussi. Tous pensaient que l'enfant était mort également. C'est vrai, comment une petite fille de cinq ans aurait-elle pu survivre ?

– Cette enfant, c'est Silvia, pas vrai ?

– Oui, c'est elle.

– Mais alors, comment a-t-elle survécu ?

– Elle refuse de le dire. Même à moi. Mais, Martin, le reste de la légende est faux, crois moi. Silvia n'est pas une psychopathe qui enlève des gens dans la forêt. Elle est ici pour une raison qui en vaut la peine...

– Je te crois... Si Silvia efface la mémoire des gens, c'est à cause de ce qui est arrivé à sa mère ? Ce qui lui est arrivé est juste horrible, alors Silvia doit détester le monde entier, désormais.

Mélusine parut surprise par ma déduction.

– À peu près, me répondit elle. Enfin, sauf ce que tu dis sur le fait qu'elle déteste le monde. Ce n'est pas vraiment ça, vu ce qu'elle fait pour nous tous. 

– C'est à dire...?

– Cinq.

Je grognais.

– D'accord, oui, tu as dit une seule question. Mais, ma question, c'était " Qu'est-ce que Silvia et toi avaient à voir avec la légende ?" Donc je veux savoir ce que toi tu fais ici.

– Mes parents m'ont abandonnée quand j'étais toute petite. Silvia m'a recueillie. Je suppose qu'elle a vu en moi un peu de ce qu'elle était avant... Alors maintenant, je l'aide un peu dans la tâche qu'elle s'est confiée. C'est elle qui m'a appris tout ce que je sais. Lire, notamment. Ce doit être le plus beau cadeau qu'elle ne m'ait jamais fait.

Je sautai aussitôt sur l'occasion :

– Mais, tu les trouves où, ces livres ?

– Oh, et bien, ils étaient à la mère de Silvia. Mais bon, je les connais un peu par cœur.

– Tu voudrais que je t'en prête ?

Si je pouvais revenir voir Mélusine, si on apprenait à se connaitre, peut-être qu'elle voudrait bien m'en dire plus...

Mélusine semblait très hésitante.

– Eh bien, tu as l'air très gentil, mais... Je n'ai pas le droit...

–Tu te souviens de ce que tu m'avais dit ? "On aurait pu être amis". Qu'est-ce qui nous en empêche ?

Mélusine eut un demi sourire. Je compris qu'elle rêvait d'un ami, depuis longtemps déjà.

–On pourrait... commença-t-elle. On pourrait se retrouver ici, disons... La semaine prochaine...

–Même jour, même endroit, même heure !

– Merci, Martin. Et, si tu le veux bien, j'aimerais que tu me parles un peu de ce qu'il y a, dehors.

– Dehors, tu veux dire, hors de la forêt ?

– Oui...Mais, la prochaine fois. Il faut que je rentre, sinon Silvia va s'inquiéter...

– C'est d'accord. Que voudras-tu que je t'apporte, comme livre ?

– Je ne sais pas. Un que tu as vraiment beaucoup aimé.

– Connais-tu Harry Potter ?

– Non.

– Plus pour longtemps... fis-je avec un sourire.

– Merci.

Il n'était pas difficile de comprendre qu'elle voulait que je parte, mais qu'elle n'osait pas me le dire.

– Au revoir, Mélusine.

– Au revoir, Martin...

Peut-être que je m'étais bel et bien fait une amie, en fin de compte. Mais, cette fille me paraissait étrange, comme si elle était deux personnes à la fois, deux personnes complètement différentes. L'une dure et sèche, l'autre douce et sensible. En fait, j'avais l'impression que tout ce que j'avais fait, c'était l'apprivoiser...

Cela me resta en tête tout au long de ma route du retour : je me souvenais des paroles du renard, dans Le Petit Prince : " Tu es responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé."

Avais-je fait une erreur, en y retournant ?

La forêt des mémoires effacées. Tome 1: MélusineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant