Chapitre 28

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-Tourne, c'est juste ici. Tu es prête ?

-Tu veux dire, prête à voir ton monde, mon rêve le plus fou, mais aussi ma plus grande peur... Hum, oui, on va dire...

Je lui souris, et fis quelques pas en avant, suivant la courbe du chemin pour me retrouver à la fin, ou plutôt au début de la forêt. Elle débouchait sur une route.

Mélusine me suivit. Elle fronça légèrement les sourcils en apercevant le goudron.

- Qu'est-ce que c'est ? me demanda-t-elle.

Accroupie, elle effleura le sol du bout des doigts.

-Une route, répondis je. Tu sais, je t'en avais parlé, c'est là-dessus que roulent les voitures...

Mélusine se releva. La tête légèrement inclinée sur le côté, elle murmura:

-C'est... c'est étonnant.

-Viens, dis-je.

Si ça avait été n'importe qui d'autre, j'aurais pris sa main pour l'inviter à me suivre. Mais je connaissais la tendance que Mélusine avait d'éviter tout contact physique avec les gens. Je me suis donc contenté d'un signe de tête.

Nous descendîmes lentement le long de la route. Mèl ne disait rien, elle se contentait de regarder autour d'elle d'un air médusé. Nous marchâmes en silence jusqu'à le première maison.

Lorsqu'elle l'aperçut, Mélusine étouffa un cri.

- C'est une maison !? C'est tellement étrange ! Ca parait beaucoup plus confortable que nos petits renfoncements dans l'arbre, mais tellement peu naturel ! 

- Oh, et bien, pas grand-chose ne l'est, à vrai dire...

Je lui souris, et nous descendîmes le long de la rue, au bord de laquelle plusieurs maisons se succédaient. Une centaine de pas plus tard, nous parvînmes à une bifurcation: à gauche, la rue où j'habitais, à droite, la ville. Je fis signe à Mélusine de se dépêcher, pour éviter de croiser quiconque.

Nous continuâmes de marcher, les maisons étaient de plus en plus nombreuses. Puis, mon ancienne école, des magasins, un salon de coiffure... Mélusine regardait tout cela d'un air émerveillé, sans en croire ses yeux. J'essayais de répondre au maximum de ses questions.

Nous ne croisâmes aucune connaissance, sauf une camarade de 5eD qui m'adressa un signe de tête, et mes voisins que j'aperçus de loin. 

Une fois le tour prévu effectué, nous fîmes demi-tour et remontâmes vers la forêt. Nous marchâmes en silence le long du sentier, jusqu'à la cabane.

Mélusine se taisait. Il m'était impossible de savoir à quoi elle pensait. Si seulement Luce avait été là pour m'aider...

Était-elle triste, ou soulagée ? Emerveillée ou déçue ? Me détestait elle, ou détestait-elle Silvia ?

Pour éviter de trop m'inquiéter, je me concentrais sur le craquement des feuilles sous mes pas. Je me répétais :

"S'inquiéter c'est souffrir deux fois, s'inquiéter c'est souffrir deux fois".



La forêt des mémoires effacées. Tome 1: MélusineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant