L'absence d'Ubis me frappa cruellement à mon réveil. Je m'étais endormie roulée en boule, l'esprit embrouillé par la colère, retenant avec peine des larmes de rage et de désespoir. Je ne me sentais pas mieux en ouvrant les yeux plusieurs heures plus tard. La nuit ne m'avait pas porté conseil et la culpabilité transperçait mon cœur. Ma sœur et ma tante avaient été conduites en territoire faë dans le seul but de faire pression sur moi. Miréna, que la simple vue d'un faë terrifiait, se retrouvait par ma faute prisonnière d'un peuple qui lui rappelait sans cesse ses bourreaux et le mal qu'ils lui avaient fait.
Est-ce que les choses auraient été différentes si je m'étais tenue loin des faës, si je n'étais pas devenue amie avec l'une d'entre elles. D'ailleurs, où était-elle à présent ?
Elle pleure la disparition de son enfant mais elle ne t'a pas abandonné.
— Ubis ?
Mon cœur se gonfla d'un espoir nouveau.
— Tu es parti longtemps, dis-je en me rapprochant du soupirail.
Les reproches avaient percé dans ma voix bien malgré moi. J'avais toutes les peines du monde à surmonter mon angoisse.
La première fois que j'ai essayé de revenir, Mab était en ta compagnie. Sachant que celle-ci ne doit pas soupçonner ma présence à la cour du printemps, j'ai préféré continuer mon exploration en attendant qu'elle quitte les lieux.
— Tu as fait preuve de prudence, à juste titre. As-tu découvert des choses intéressantes ?
Pas vraiment. Miréna et Mathilde sont ici. Tu le savais ?
— Mab me l'a annoncé. Elle veut que je parte à la recherche de ma mère, et que je la force à briser la malédiction.
Mon familier ne fit aucun commentaire.
— Tu penses que c'est sans espoir, lui demandai-je.
Les malédictions ne se brisent pas facilement. Seuls les non-initiés pourraient penser qu'il suffit de baragouiner une formule une nuit de pleine lune en égorgeant un poulet pour que tout cela cesse. Ils confondent tradition païenne et sorcellerie. La reine faë sait qu'elle te demande de réaliser l'impossible.
— Et elle se sert de Miréna et Mathilde en gage de ma bonne volonté.
Je sentis un frisson de fébrilité et d'impatience remonter par notre lien.
— Qu'est-ce qui t'arrives ? Je ressens un peu trop de joie et d'empressement venant de ta part !
Ça va être une sacrée aventure. Tu vas avoir besoin de moi... et des autres.
Mon familier ne perdait pas le nord. En effet, si je voulais avoir ne serait-ce qu'une infime chance de réussir cette quête, Ubis et ses alters seraient pour moi des atouts précieux. Malgré tout, même avec leur aide, je ne voyais pas comment je pourrais atteindre la cour des ombres... Et même si j'y parvenais, encore fallait-il qu'elle s'y trouve toujours. Si toutes ces conditions s'avéraient réunies, ce dont je doutais fort, rien ne m'assurais que ma mère serait pour autant encline à lever le sort. Pire encore : peut-être qu'elle en serait incapable. Trop d'obstacles se dressaient entre mon objectif et moi. Ma mère s'était avérée insaisissable depuis sa disparition, mais cela n'avait rien d'exceptionnel si, durant tout ce temps, elle se cachait en territoire faë. Mab ne pouvait pas mentir mais elle pouvait se tromper, ou avoir été mal renseignée. Je n'avais aucune garantie quant aux informations qu'elle m'avait fournies.
Le lien avec mon familier était réciproque. Si je ressentais ses émotions, il percevait les miennes également. Aussi, il mit un point d'honneur à me rassurer tandis que je broyais du noir.
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Corbeaux et malédictions
FantasyIl y a sept ans la mère d'Arabella a maudit Le Peuple faë par pure vengeance, transformant toute naissance en drame. Celles-ci sont extrêmement rares au sein du Peuple et lorsqu'un nouveau né disparaît à nouveau, Arabella, devenue adulte, est contra...