Chapitre 1

66 8 4
                                    


Sept ans plus tard.

Le regard perdu dans le vague, j'écossais les petits pois en silence, avec les grognements de Mathilde en fond sonore. Ma tante pétrissait sa pâte à pain depuis ce qui me semblait être des heures et nous signifiait son acharnement et ses efforts d'une manière fort bruyante, provoquant chez moi une certaine exaspération. Des coups retentirent à la porte et je ne pus m'empêcher de lever un regard inquiet vers elle. D'un mouvement de tête, elle m'indiqua qu'elle n'attendait personne. Ma sœur, perdue dans ses pensées, fredonnait une chanson inconnue de sa voix fluette, tout en caressant d'un air distrait notre chat Rummy. À nouveau, on frappa à la porte mais cette fois, une voix s'éleva derrière le battant nous sommant d'ouvrir. Je me précipitai et ouvris la porte à la volée. Je tombai nez à nez avec un faë.

De taille moyenne pour quelqu'un de son espèce, sa carrure indiquait qu'il ne faisait pas partie de la noblesse oisive, tandis que son épée de cour au pommeau finement ouvragé dévoilait son statut de chevalier. Ses cheveux d'un roux foncé, pourvus de reflets auburn, retombaient devant son étrange regard. Mon premier réflexe fut de me tourner vers Miréna. Ses beaux yeux s'écarquillèrent à la vue du visiteur et elle paniquât aussitôt, ses mains battants l'air aussi vite que les ailes d'un oiseau. Mathilde la prit dans ses bras, l'étreignit et la fit pivoter afin que la vue de l'étranger lui échappe.

- Tout va bien, tout va bien, la rassura-t-elle.

- Qui êtes-vous ? demandai d'un ton abrupt.

Le faë m'offrit une moue contrariée. Il était doté d'un teint brun, légèrement cuivré, et d'un regard d'un bleu profond, semblable à celui que prenait l'océan les jours de mauvais temps. Sa silhouette et ses traits m'étaient familiers, j'avais probablement déjà dû le croiser lors des rares occasions où j'avais passé le mur.

- Je m'appelle Léandre. Lucida m'envoie vous chercher. Le moment est venu. Elle dit qu'elle ne peut pas le faire sans vous.

- Oh, lâchai-je, surprise.

Je me retournai légèrement, cherchant le regard de ma tante. Elle paraissait à la fois effrayée et en colère.

- Vous voulez bien vous dépêchez ? s'agaça le messager.

Son attitude me déplut, et je ne pus m'empêcher de faire un pas en avant, avant de lui planter mon index au milieu du torse.

- Vous avez une vague idée de qui je suis ? rétorquai-je.

Il coula un regard plein de dégoût et de ressentiment vers ma sœur, puis son attention revint vers moi.

- Oui. Elle me l'a dit.

- Et vous pensez que je franchis le mur tous les matins, une fleur plantée dans les cheveux et le cœur léger ?

- Non, concéda-t-il.

Notre hôte inattendu planta ses yeux aux pupilles étranges dans les miens avant de répliquer :

- Ma maîtresse a pensé que vous fourniriez un effort pour une pareille occasion.

Je fulminai intérieurement, et peut-être que cela se voyait aussi à l'extérieur mais je m'en moquais. Je n'avais que faire de l'opinion du chevalier faë à mon propos. Ma décision fut rapidement prise puisqu'elle était évidente, même si j'avais autant envie de me rendre en territoire faë que de me peler la peau des bras avec un couteau émoussé.

Je m'emparai de ma musette et l'enfilai en bandoulière avant d'aller planter un baiser sur la tempe de Mathilde puis de Miréna. Je caressai les cheveux de cette dernière avant de lui chuchoter à l'oreille :

Corbeaux et malédictionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant