1 - L'ASSEPOESTER (PARTIE 2)

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J'inspire un bon coup et active le filtre de ma combinaison. J'ai immédiatement l'impression de plonger sous l'eau. Seul mon souffle, aussi bruyant qu'après un marathon, résonne dans mon casque. À pas feutrés, je me glisse sous les arcades de pierre du théâtre, la main plaquée sur mon arme, le cœur dans la gorge. Mon regard glisse sur le fleuve, désert, et remonte vers les toits adjacents au bâtiment. Mes coéquipiers se trouvent là, aussi invisibles que moi, prêts à tirer au moindre mouvement suspect hors du théâtre. Je vérifie une dernière fois que mon second pistolet se trouve dans son étui, et que j'ai une recharge de filtre pour ma combinaison. Enfin, d'un coup sec, j'ouvre la porte du théâtre. Une décharge d'adrénaline explose dans mon corps. Je souris. C'est elle que je suis venue chercher. J'inspire un bon coup. Une odeur de renfermé et de poussière m'accueille, typique de vengeances et de magies. Un frisson, comme un ruissellement d'eau glacée, parcourt ma peau. L'empreinte de magie propre aux assepoesteren. Le souffle court, je survole les couloirs tapissés de velours rouge et de dorures, attentive au moindre bruit. Mon instinct, mêlé à ma connaissance de la magie, m'a toujours permis de dépister une légende. Où qu'elle se cache.

Ma main se pose sur la porte de la salle de représentation. Mes doigts hésitent sur l'oreillette de mon casque.

Une seconde.

Pas plus.

Si je me dépêche, Mark ne saura même pas que je suis entrée dans la pièce avant de l'appeler.

La porte dévoile des rangées de fauteuils de velours, des balcons dorés et un plafond peint décorés de moulures. Je retire la vision infrarouge de mon casque, inutile face à un fantôme, et baisse les yeux vers le rideau de la scène. Frémissement dans l'air, je grimpe les escaliers sur le côté de la scène et me glisse derrière le velours rouge.

Mon reflet me dévisage, mille fois répliqué par les fragments d'un miroir. Je saisis l'un des fragments irisés entre mes doigts.

— Du verre, inspectrice. Ce sont les petits détails qui font les meilleures histoires, n'est-ce pas ?

Je sursaute, mon Walther P99 brandi en direction de la voix.

Deux yeux luisants. C'est tout ce que j'ai le temps d'apercevoir. Mon regard se repose sur les éclats de miroir. Non, pas de miroir. De verre surnaturel. Je frissonne. Sans ma combinaison, le simple fait de le toucher m'aurait condamnée. L'éclat toujours en main, je me glisse dans les coulisses. J'ai peu de temps. Le filtre de ma combinaison n'est pas efficace indéfiniment. S'il éteint, je suis foutue. Il me reste cinq minutes avant qu'il ne se désactive.

— Montre-toi.

Ma déclaration résonne dans les coulisses désertes. Un instant, j'hésite à appeler Mark pour achever Diana Schaap d'une balle. Je me raisonne aussitôt. C'est ma seule chance. Je ne la manquerais pas.

J'ai à peine regagné la scène que Diana apparaît devant moi. À cause des rideaux tirés derrière elle, je ne peux l'observer que sous la lumière tamisée de la scène. Pourtant, cela suffit pour que je ressente à nouveau la sensation de plonger sous l'eau glacée. Une enfant. Au premier regard, sans aucun doute. Les joues rosies de plaisir de Diana Schaap portent encore de jolies rondeurs et, à son air mutin, je pourrais presque croire qu'elle s'apprête à me proposer une partie de cache-cache. Ce serait accepter un jeu mortel. Je cible le crâne de l'assepoester alors qu'un sourire d'angelot étire ses lèvres, et que son grand regard cendré tranche le mien.

— L'interrogatoire sera rapide, dis-je. Comment êtes-vous réapparue ?

Une étincelle transperce son regard. Son sourire devient narquois.

Chasseur de LégendesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant