4 - ISABELLE OWEN (PARTIE 2)

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Une marque violacée recouvre le cou de la victime. À l'exception de ce détail, rien ne laisse présager une mort terrible. Aucune trace de coups, aucune boursouflure, aucune brûlure, rien. Exactement comme l'a dit l'inspectrice Amleth.

Mon regard se détache de la figure angélique pour parcourir la morgue. Le commissaire Robin Blondell, un bel homme aux yeux perçants et aux cheveux blonds coupés en brosse, ne quitte pas le corps des yeux. À ses côtés, Cassandra Amleth, ainsi que d'autres hommes de l'équipe. Je leur prête peu attention, le regard focalisé sur une petite femme aux lunettes en écailles : la médecin légiste, la Docteure Aakster. Sous son air professionnel, je perçois une lueur de curiosité. Elle tapote des doigts contre sa jambe, visiblement impatiente. Je mords mon sourire. Le même frétillement semble couvrir toute l'équipe, véritable crépitement dans l'air.

— Isabelle Owen, vingt-deux ans, découverte dans la forêt d'Eckelrade cette nuit vers vingt-trois heures, énonce le commissaire Robin Blondell d'une traite. L'autopsie a été autorisée il y a une heure. Il y a des chances qu'elle nous confirme qu'il ne s'agit pas d'un suicide, mais d'un homicide. Nous avons vingt-quatre heures, au maximum quarante-huit, pour boucler cette affaire avant que les journalistes n'y fourrent le nez. Je compte sur vous.

Son regard d'acier se pose sur moi. Il force un sourire. Il lui donne un air encore plus antipathique :

— Vu la situation, on ne peut pas non plus éliminer la piste d'un meurtre commis par une légende. L'inspectrice Elisabeth Eikenboom, tout droit venue de la BSVL, va donc travailler avec nous sur cette affaire.

Les autres acquiescent. Je remercie Blondell d'un signe de tête. Malgré l'empreinte de la scène de crime, je peine à croire qu'il s'agit bel et bien du fait d'une légende. Je pouvais l'assurer à Amleth sur la scène de crime. À présent que j'ai vu la victime, mes idées se bousculent. Le corps est trop propre. J'ai vu des assepoesteren déchiqueter leurs victimes à coups de morceaux de verre, des corps massacrés par des griffes d'ossaerten et des hommes noyés par des sirènes, la figure tordue et terrifiée. Isabelle Owen ne ressemble pas à ça. Reste l'option des esprits. N'importe lequel aurait pu se camoufler dans la brume, ou bien même de l'attaquer durant son sommeil. Les fantômes ont beau être rares, ils plongent tout membre de la BSVL dans ses pires cauchemars. Invisibles, capables de s'infiltrer dans un esprit pour le pousser à la folie, voire à la mort, ils se nourrissent de peurs et de traumatismes. Malgré cette capacité, ils laissent toujours des traces sur les corps attaqués. Je me tourne vers Aakster :

— Hormis les traces de strangulation, vous avez remarqué des blessures sur le corps ? Des bleus ou des os brisés au niveau des côtes ?

Des blessures fréquentes en cas de possession. L'empreinte n'y ressemblait pas – tous les fantômes ont une empreinte glaciale, comme celle des assepoesteren – mais je ne peux exclure aucune option. Un esprit se devine à peine et pourtant, il peut plonger dans le corps de la victime jusqu'à la mener à la folie et parfois à la mort.

— Non, inspectrice, me répond la légiste, mais je pourrais vous confirmer ça à la fin de l'autopsie.

De mes doigts gantés, j'écarte les quelques mèches de cheveux dans la nuque d'Isabelle Owen. Là, à côté du sillon violacé tracé par la corde, sont dessinés de petits points réguliers. Je plisse les yeux. On dirait des hématomes, comme des doigts en laisseraient.

­— C'est ça qui a fait demandé l'autopsie au médecin ? demandé-je à Amleth.

— Oui, acquiesce-t-elle. Ça ne ressemble pas aux traces d'une corde. Vous en avez pour combien de temps ? ajoute-t-elle en direction du Docteure Aakster.

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