Chapitre 2: (Illusion n°2) l'enterrement de Sofia

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 -On s'occupera de tout – Le notaire eut un petit sourire.

En plein chagrin, Léandre restait dans un coin. Le jeune homme se plaignait de ne plus avoir de grand-mère en sanglotant. Malgré toute ses souffrances, il aimait beaucoup Sofia et s'était attaché à elle. La grand-mère avait plus été là que quiconque dans sa courte existence. C'était le fils unique d'Elendria et César... Léandre, à désormais dix-huit ans dans le récit, demeurait extrêmement sensible, le jeune vampire vivait très mal sa situation actuelle. Il se sentait seul, abandonné de tous. Ce dernier n'était pas comme les autres jeunes gens de son âge. Il lui paraissait être totalement étranger à son propre monde. Léandre se demandait ce qui pouvait bien faire sourire le notaire dans pareille situation. Était il sadique ? Il ne le savait pas mais il avait terriblement envie de savoir pourquoi...Léandre n'allait tout de même pas les regarder enterrer sa grand-mère sans avoir son mot à dire.

- D'accord...mais, qu'est-ce que je fais moi ? Je ne veux pas rester les bras croisés...

- Bah, tu aideras à porter son corps – L'apprenti qui avait écouté la conversation, s'étant incrusté, il avait sorti n'importe quoi et comme d'habitude, Léandre le croyait, le notaire soupira de l'indélicatesse de son partenaire. Le notaire sentait que la situation serait absurde, c'était ce qui le faisait sourire, ce jeune adulte, complètement perdu, sanglotant chaque phrases, tout ça « juste » parce qu'il n'avait plus de grand-mère. Peut-être n'avait-il pas de cœur, pas d'empathie ou était il sadique ? Tout cela à la fois ? Le notaire ne le savait pas lui-même. Ce dont il était sûr, était le fait qu'il voulut se faire beaucoup d'argent sur le dos du jeune homme. Heureusement, l'assistant, sous ses airs bourrus n'allait pas laisser faire son patron et voyait la détresse de ce vampire sous un œil de père de famille, attendri par la situation.

Les habits blancs de Léandre étaient tâchés de ses larmes de sang. Le notaire ainsi que l'assistant écrivaient sur des papiers administratif. Les griffonnements sur le papier résonnaient dans le silence docte des notaires. Quelques fois, le notaire en chef relevait la tête, comme pour étudier Léandre du regard, puis il continuait à griffonner.

Le jeune homme, curieux essayait de regarder du coin de l'œil à l'envers ce qu'il pouvait écrire. Lorsque M. Joan se sentait observé, il levait légèrement le haut de la main, comme pour interrompre son geste fluide, agile et rapide. L'encre semblait se déverser automatiquement sur les feuillets tant il était doué et précis dans ses gestes. Léandre éprouvait une pointe d'admiration. En attendant qu'il finisse la rédaction permettant la mise en terre de sa grand-mère, l'apprenti lui posait tout un tas de questions. Il se demandait pourquoi Léandre n'était pas accompagné de ses parents ou de sa famille proche. Celui-ci rétorqua qu'à dix-huit ans, il n'avait plus besoin de personne et qu'en un sens, il se sentait prisonnier et désormais plus libre et indépendant depuis la mort de Sofia. Léandre n'avait pas tellement envie de parler de sa situation familiale. Il passa pour un ingrat en face du jeune notaire qui voulait faire la conversation.

Une fois l'étape de la registration passée, il dût attendre trois jours seulement remplis de chagrins, de regret, souffrance, désespoir, solitude. C'était dans cette souffrance et cette peur de se retrouver face à sa mélancolie qu'il découvrit que l'alcool le rendait terriblement heureux.

Le jour de l'enterrement, il dût s'habiller en noir pour la première fois. Il cherchait en vain à retenir ses larmes. « Sofia est morte de vieillesse, elle n'a pas souffert. » - pensait il. La cérémonie se déroula entre deux hoquets de sanglots, de pleurs versés sur les dalles grises d'une vieille église. Le temps, étrangement ensoleillé était étouffant, le soleil faisait transparaitre sur les vitraux des couleurs kaléidoscopiques. Le bleu, le rouge grenat et le vert émeraude éclaboussaient l'austérité de la pierre blafarde. Le son des cloches résonnait. Léandre ne pouvait pas voir tout cela. Ses yeux se bornaient à voir flou. Ses membres tremblaient. Il s'était longtemps égaré, au-delà de la Terre, au-delà du monde, loin dans le pays des pleurs et du deuil... Seule sa poitrine qui se soulevait en douloureux spasmes le distrayait de ces sombres pensées. Un vampire récitait encore parfaitement ses prières dédiées aux enterrements.

Il existait peu de vampires encore chrétiens, ils ne trouvaient plus de réconfort dans une religion qui les martyrisaient. La majorité des vampires ne trouvaient plus d'intérêt à ce cérémonial, c'était Léandre qui désirait plus que tout célébrer un enterrement selon la religion catholique. A l'inverse, la tradition vampire consistait à brûler le corps du vampire mort afin d'être sûr qu'il ne reviendra pas, puis à fêter enfin la longue vie menée, être heureux des retrouvailles du défunt avec ses ancêtres, c'était festif. Il y avait des chants et des danses pour la cérémonie. La mort était célébrée avec gaité comme dans le continent mexicain avec el dias de los muertos. Après avoir fait la messe ainsi que les éloges funèbres, ils enterrèrent le corps. Ils prièrent et veillèrent longtemps. Léandre, la mort dans l'âme commença, lentement à reprendre sa vie. Il continuait malgré tout de prier Dieu avec ferveur le Dieu qui pourrait le répudier une fois sa vie accomplie au seul motif que ce fut un vampire. Il avait beau prier et adresser toute son âme à Dieu, tous les jours, expier ses péchés, il n'arrivait pas à s'enlever de la tête qu'il était damné.

Afin de guérir de sa tristesse, Léandre préférait rester seul, allait dans les champs non loin de chez lui, il s'allongeait puis regardait le ciel, les nuages défiler paisiblement...Il s'endormait ainsi sans s'en rendre compte. Sans cesse, il priait pour Sofia. Petit à petit, Léandre s'accommoda de cette douleur. Quelques mois plus tard, il reprenait sa gaité, son insouciance habituelle. Désormais, son habitude était de venir se réfugier dans les champs en chantonnant, un bouquet de fleurs sauvages à la main. Léandre posa ses marguerites sur la tombe de sa grand-mère. Il restait ainsi quelques minutes à se recueillir et partit dans les blés pour s'allonger observer le ciel bleu. Le vent frais accompagnait ses pas, son regard perpétuellement tourné vers le ciel, ses yeux de perle reflétaient cette étendue bleue infinie où habite Dieu, là-haut, dans les cieux, le monde vivait en paix et en harmonie. Peu importe les événements susceptibles d'ébranler sa foi, jamais il n'eût de doutes quant à l'existence de son Dieu.

Léandre le roi des vampires (deuxième version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant