— CAMILLE ?
Je traverse le salon, puis le couloir, avant de m'adosser contre une porte. Le gosse, dans sa chambre, est planté devant le téléphone de ma mère et ne me lance pas un regard, happé par son jeu.
— Quoi ? il répond de sa voix aiguë, insupportable à mes oreilles.
— Il est où le chat ? je m'agace.
— Bah j'sais pas moi.Je répète sa réponse dans un marmonnement mécontent en m'éloignant. Il est chiant franchement – les écrans c'est un fléau. Je ferme la porte de mon antre et ouvre la fenêtre qui donne sur le jardin du voisin. Un homme tellement âgé qu'il en perd un peu la tête je pense, mais bon, il est sympa, je peux squatter sa piscine des fois, dans ses bons jours. Je fais croire à Camille que c'est un vampire immortel, ça me ferait chier que ce petit papi meurt parce que y'a rien de mieux que de voir mon frère se pisser dessus, le moyen de pression fait fureur depuis un bon moment maintenant. Et puis, je l'aime bien René. Il dit rien à mes parents quand je fume – ils doivent pas savoir parce que je pense ce jour-là je peux creuser ma tombe – et même si je comprends pas toujours tout ce qu'il me raconte, je vois bien que c'est une personne cultivée et intéressante.
J'allume ma cigarette avant de la porter à ma bouche. Le soleil commence à décliner lentement, je profite de ses derniers rayons chaleureux venant caresser ma peau avec plaisir.
— Tu vas foutre le feu à mon arbre, mec, fais gaffe un peu avec ta toxine, une voix casse mon repos.
Mes yeux marron se déposent sur la fille qui me fait face, de belles boucles entourant son visage à la peau noire et aux traits doux, un animal que je connais bien porté contre elle alors qu'elle affiche un air réprobateur. Elle porte un simple débardeur et un short, dévoilant ainsi ses bras et ses jambes nus, dont on peut apercevoir les muscles qui s'y dessinent finement. Plutôt jolie.
— Eh, c'est mon chat, ça.
— Il doit pas beaucoup t'aimer vu qu'il te fuit pour venir chez moi.Je claque ma langue contre mon palais, soûlé par sa pique pourtant pas ouf. Miaou a l'air d'apprécier le moment, venant coller sa fourrure contre la joue de la voleuse. Il se laisse aller, quel profiteur.
— Tu fous quoi chez René, même ? je continue en reprenant une taffe. Lui il a le droit à la compagnie de mon chat, pas toi.
Sa main caresse la tête de l'animal depuis quelques minutes maintenant. À l'aise, quand même.
— Je viens d'emménager. C'était la maison de mon grand-père, René, mais il est en EHPAD, maintenant.
Je m'étouffe avec ma fumée en entendant sa réponse. Chelou, je l'ai jamais vu celle-là. Mon bon René qui me quitte en plus, putain. Quelle tragédie.
— Est-ce que je peux vraiment te croire ? En plus d'être une voleuse t'es peut-être une grosse mytho ?
— Tu dis ça parce que je suis noire ? Non parce que t'es bien confiant avec tes critiques mais en attendant y'a zéro preuve à l'appui mon grand, elle rétorque d'une voix calme mais d'un ton acéré.
— C'est quoi le rapport ? T'as pris mon chat là, je rigole pas avec toi.Je sens pourtant mes joues chauffer, comme si j'avais été pris sur le fait, probablement à cause de la honte que soulève l'hypothèse, j'imagine. Je pense pas être raciste ? Elle me décontenance exprès, la maligne, je suis sûr. Nan quand même, ça la fout mal de passer pour un sale mec dénigrant et fermé d'esprit.
— « Mon chat » par ci, « mon chat » par là, mais en attendant, il a pas de collier, ton chat, elle ajoute, l'air de rien. Tu peux pas vraiment m'accuser.
— Ça existe, les puces.
— Je crois que ce que je vois.