La fille de la Lorien

11. Souvenirs cauchemardesque 🐲

L'aube est presque là mais je me suis refusé à dormir cette nuit, après ce qui c'est passé hier soir je ne me sentais pas de fermer l'oeil. Je suis persuadé que ma nuit n'aurait été qu'un enchaînement de cauchemars. Thorin n'a pas dormi non plus, nous avons passé la nuit en silence nos mains jointes entre nous. Mais alors que le soleil va bientôt poindre, je sens que le nains hésite à me parler. Alors doucement je me penche vers lui pour attirer son attention et lui souris. Il comprend mon geste et prend son courage pour m'interroger.

-Pourrais-tu me raconter ce qui c'est passé le jour où Azog est venu pour toi ?

Je me doutais bien de la direction qu'allait prendre sa question mais je ne peux lui parler de ce moment je ne l'ai pas vécu. Néanmoins je peux lui parler du massacre qu'engendra la soif de pouvoir d'Azog.

-Ma mère m'avait caché le jour de sa venue, mais je peux te parler du dernier jour des mangeurs de peaux... Celui-là est gravé dans ma mémoire à jamais.

Sans un mot de plus, Thorin se tourne complètement vers moi, me forçant à faire de même et nous nous trouvons maintenant assis en tailleur l'un en face de l'autre nos mains toujours jointes. Je prends une grande inspiration et commence à parler, plongeant dans ces souvenirs que je voudrais tellement oublier.

***

-Maman !

La petite fille court au milieu des combattants cherchant désespérément sa mère. Les corps des siens tombent autour d'elle mais elle ne peut s'en préoccuper si elle veut retrouver sa famille.

-Isvard !

Les orcs sont partout et tuent chaque changeur de peaux qui a le malheur de croiser leurs routes. Les changeurs de peaux tentent à tour de rôle de protéger leur princesse quand elle passe près d'eux mais aucun ne fait long feu. Et la jeune fille un peu malgré elle profite de ces multiples diversion pour tenter de rejoindre sa maison ou doivent se trouver les siens. La maison de la reine est la plus grande du village, elle le surplombe du haut d'un petit promontoire. Elle a réussi à échapper au garde qui étaient censé l'emmener loin des terres des changeurs de peaux. Alors que la petite réussit enfin à pénétrer dans sa maison, elle trébuche sur quelque chose et s'écrase au sol. En se redressant ses yeux tombent sur Danviou, l'époux de sa mère, mort, la gorge tranchée, son sang forme une flaque autour de lui et ses yeux morts fixe sa belle-fille. C'est sur lui que la petite a trébuché. Avec un cri de terreur, elle s'éloigne de lui en rampant et se recroqueville contre une colonne de bois en sanglotant. Danviou n'était peut-être pas son père mais il l'aimait et la traitait comme-t-elle... Elle ne sait combien de temps sa crise de larme dure mais c'est la voix de sa mère qui l'en sort.

-Jamais !

Un cri puissant et désespéré pousse Arcadia à se relever et ses petites jambes tremblantes se dirigent en vitesse vers la salle du trône. Sa mère s'y trouve mais elle n'est pas seule. Au sol devant un orc immense et à la peau blanche, la reine des changeurs de peaux sait que sa vie touche à sa fin. Le profanateur ne lui laissera pas la vie sauve, elle le voit dans ses yeux moqueurs. Aucun des deux adultes ne remarque l'enfant figée à l'entrée de la salle. Azog plonge alors sur la mère d'Arcadia et il la saisit par ses cheveux roux identiques à ceux de sa fille. La petite semi-elfe est trop loin pour entendre ce que le monstre blanc dit à sa mère mais le regard de Mélia perd son espoir... Elle détourne alors la tête et voit enfin sa fille à quelques mètres d'elle. Elle tente de décrisper son visage pour sourire à son enfant mais c'est une piètre tentative. Elle voudrait avoir la force de lui dire à quel point elle l'aime mais elle n'en a pas le temps. La seconde qui suit Azog lui transperce le corps de son épée et la reine se retient tout juste de grimacer, cette fois un vrai sourire se forme sur son visage pour sa fille. Un sourire taché de sang... Un dernier sourire maternelle... Le profanateur se redresse en envoyant le corps de la reine plus loin et c'est alors qu'un cri plus puissant que tout ce qu'il a pu déjà entendre résonne à sa droite. Un cri perçant qui lui martelle les tympans. Il tourne la tête et rencontre les yeux vengeurs d'une enfant de 10 ans tout au plus. L'enfant de tous ses désirs. L'enfant pour qui ce massacre à lieu. L'orc blanc s'avance à grand pas vers elle mais un second cri s'échappe de la gorge de la gamine et il est repoussé en arrière par une onde de choc. Des étincelles vertes parcourent les cheveux de feu de l'enfant alors que ses yeux changent, le droit devient rouge carmin, du même rouge que celui qui macule ses petits bras et sa robe, du même rouge que le sang de Danviou et de sa mère. Un grand sourire né sur les lèvres de l'assassin devant se spectacle. La voilà enfin cette puissance que son maître lui a promise. Devant ses yeux, voilà l'Istari la plus puissante. L'avoir près de lui c'est avoir le monde entre ses mains. Mais le surprenant complètement l'enfant se jette sur lui visant directement sa gorge et il ne doit son salut qu'à ses reflex. Son bras se retrouve transpercé par les crocs aiguisés de la petite. Elle ne lui laisse pas de répit et lui lacère le torse de ses deux mains, puis son visage, des mains dont les ongles ont laissé place à des griffes tranchantes comme des lames. Il réussit à la repousser mais elle revient à la charge, toujours plus violente et il en vient à avoir peur pour sa vie. Alors dans un grand mouvement d'épée, il réussit à l'atteindre à l'abdomen et l'enfant est projeté à l'entrée de la salle sous la puissance du choc. Son corps à reprit son apparence enfantine et elle gémit et sanglote sur le sol qui se tâche de son sang. Le profanateur se redresse avec douleur, cette sale petite peste ne l'a pas raté, ses bras, son torse et son visage sont couverts de longues entailles sanguinolentes. Il avance à grand pas vers elle dans l'optique de la tuer cette fois. Elle n'est pas contrôlable, c'est trop tard, elle a passé trop de temps avec les siens. Et s'il ne peut la posséder alors personne ne l'aura. Mais il ne l'atteint jamais. Un changeur de peaux immense se dresse maintenant devant lui, le menaçant de son épée. Il tient la petite princesse étroitement contre lui d'un bras. Il gronde sur l'orc qui rit amusé devant son courage.

-Donne-moi l'enfant !

Le garde royal ne prend même pas la peine de lui répondre et se contente de gronder plus fort en resserrant sa main sur son impressionnante hache.

-Très bien alors je viendrai la chercher moi-même !

Azog se jette vers lui l'épée prête à frapper mais l'homme a déjà fait demi-tour et il s'enfuit avec la princesse dans ses bras. Fou de rage, Azog hurle à ses hommes de le rattraper mais aucun n'y survit. Le garde est bien trop fort et en quelques minutes ils sont déjà loin du village. Le garde ne s'arrête pas avant plusieurs heures et enfin il trouve refuge dans une grotte sur la route que les elfes emprunteront obligatoirement pour rejoindre les terres des changeurs de peaux... Ce n'est que trois jours plus tard qu'ils arrivent enfin et c'est Gandalf guidé par l'essence magique faible mais bien présente qui émane de la princesse qui les trouvera. Il la soignera avant de l'emmener à son père, laissant derrière eux le garde qui refusa de venir. Comment pourrait-il supporter de regarder la fille de sa reine en face alors qu'il a échoué à sauver sa famille et leur peuple ? Pourtant Arcadia aurait voulu qu'il vienne avec elle, qu'il la protège de ce monde inconnu. Un monde qui décidera peut-être de les réunir à nouveau un jour. C'est ce que se dit Gandalf en regardant l'ours géant disparaître au rythme des foulées de son cheval. La petite rouquine qui dort dans ses bras avec agitation sera un acteur majeur de la terre du milieu dans quelques années et même si le mage voudrait pour elle qu'elle puisse vivre en paix le reste de sa vie. Mais pour le moment il va se contenter de l'amener à son père. Cette pauvre petite mérite du repos et de grandir avec amour pour oublier ce cauchemars.

***

-Quelle horeur de vivre cela à un si jeune âge.

Je me contente de hocher les épaules. Aujourd'hui j'ai accepté que je devrais vivre toute ma vie avec ses souvenirs alors rien ne sert de vouloir refaire le monde. Mais je ne dis rien de cela à Thorin et je me contente de rester silencieuse après avoir tant parler. Et Thorin semblant comprendre sert plus fort mes mains entre les siennes sans un mot. Et c'est ainsi que l'astre solaire nous trouve au matin, silencieux les yeux dans les yeux, deux âmes meurtries qui se comprennent et s'épaulent. Je crois qu'il est une des seules personnes si ce n'est la seule personne à me comprendre. Nos familles ont été détruites par le même monstre. Azog ! Et cela nous rapproche dans un sens, avec lui j'ai l'impression de pouvoir vivre ma douleur sans jugement. Et cela me fait tellement de bien !