𝙸𝙸-

688 88 94
                                    

𝙾𝚕𝚒𝚟𝚊𝚗𝚍𝚎𝚛

Les pensées se bousculent dans ma tête, tellement je peine encore à croire que ma petite-sœur puisse m'appeler à un moment pareil. L'appel s'achève et s'enchaîne à nouveau or je ne peux me résoudre à décrocher. Mais elle persiste.

La dernière fois que j'ai eu de ses nouvelles date d'il y'a un mois de cela, avant que la santé de grand-père ne se dégrade. Je lui avais d'ailleurs envoyé un message pour la prévenir du décès mais visiblement elle ne l'avait pas pris en compte, occupée comme elle l'est, ce que je comprend d'un côté. Après tout, elle exerce en tant que mannequin en Russie, où elle vit depuis notre séparation. Mais d'un autre côté, ceci n'explique tout de même pas son silence ou encore ce pour quoi elle me contacte ce soir en particulier même si j'ai ma petite idée concernant la raison. Le souvenir de mon anniversaire a dû émerger dans sa mémoire, ce qui me semble tout à fait plausible puisqu'elle me le souhaite chaque année et vice-versa.

Après hésitation, je constate que son nom a cessé de s'afficher sur mon écran et me mord douloureusement la lèvre, un sentiment de culpabilité m'envahissant aussitôt. Peut-être devrai-je la rappeler ? Mais réussirai-je au moins à lui cacher la peine qui me transcende ? Il est à noter qu'elle ignore ce dont je vis depuis tout ce temps, je lui avais même menti en disant avoir trouvé un boulot, une situation stable. Pour ne pas l'inquiéter, pour qu'elle ne puisse pas me prendre en pitié, compatissante qu'elle est. J'ai de très brefs souvenirs de tous les deux durant notre enfance mais je me souviens encore qu'elle me partageait toujours son goûter avec moi dès que de vilains camarades venaient m'arracher le mien, ou qu'elle m'envoyait de l'argent à mes débuts difficiles de fac. Pour Bianca, le fait que j'étais plus âgé de deux ans ne justifiait en rien qu'elle ne devait pas agir en tant que mère avec moi. Nous étions si proches à l'époque, il m'arrive encore de me demander quand est-ce qu'on s'est éloignés. Peut-être est-ce moi qui ai contribué à cet éloignement en la laissant suivre notre tante jusqu'en Europe quand bien même elle n'en avait pas la volonté ? Car si elle en avait eu l'occasion, Bianca m'aurait gardé auprès d'elle pour m'avoir à l'œil. Malgré tout, je suis fier qu'elle ait pu trouver sa voie en vivant de sa passion, le show business. Que devait-elle encore envier à autrui ? Elle a une situation financière stable, est entouré de grandes personnalités et s'est même mariée pas plus tard qu'il y'a six mois. Je n'ai jamais rencontré mon beau-frère personnellement mais d'après les dires de Bianca, ce serait un russe rencontré sur le territoire.

Elle a réussi partout où j'ai échoué en tant qu'aîné, je ne peux que l'en féliciter. C'est mon rôle de grand-frère.

De longues minutes s'écoulent alors que je doute toujours à la rappeler. En même temps je ne ressens bientôt plus l'acharnement des gouttelettes: il a cessé de pleuvoir.

Je fixe mon téléphone un long moment en me pinçant nerveusement la lèvre. Tant pis, mieux vaut en finir.

Bianca décroche aussitôt que je lance l'appel, articulant de sa douce voix que je juge en parfaite symbiose avec sa personnalité:

   — Grand-frère Oli ?

Maintenant que je l'entend, je n'arrive pas à détacher les lèvres ou du moins, elles refusent de laisser le fond de ma pensée se libérer. À la place, elles se crispent et tremblent, ce qui n'est certainement pas dû au froid. Inquiète de ne pas obtenir de réponse, je l'entend m'appeler de nouveau, prenant un ton paniqué. Mon but est tout sauf de lui causer une frayeur.

𝖨𝗇𝖼𝖺𝗇𝖽𝖾𝗌𝖼𝖾𝗇𝗍Où les histoires vivent. Découvrez maintenant