J'aurai dû fermer ma gueule

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Isham

Elle n’est pas encore rentrée lorsque l’heure du diner a sonné. J’essaie de l’appeler, mais elle ne répond pas, même si j’insiste. Ce n’est pas la première fois que ma mère déserte notre chez nous.

Dès que je m’attire des ennuis avec les keufs, elle prend ses jambes à son cou. Je voudrais lui dire qu’elle arrête d’avoir la trouille parce que je n’ai pas peur.

Je voudrais lui dire qu’en taule, des tas de Wicked y sont, et que je ne serai pas seul si j’y étais incarcéré.

Mais je ne peux pas. La dernière fois, les flics ont débarqué à l’aube. Elle était horrifiée de me voir presque nu, menotté, allongé sur le carrelage de ma piaule.

Elle leur hurlait dessus alors que je ne disais rien quand il me bassinait de leurs questions.

Ils voulaient savoir où je planquais la coc’, je voulais savoir combien leurs daronnes prenaient pour baiser.

Ils ont ajouté l’outrage sur mon casier et je suis parti trois mois derrière les barreaux.

Je sais que ma mère est fatiguée, épuisée même. Mais c’est le quartier qui m’a choisi, et c’est la vie que je veux mener.

J’allume la télé, je zappe et attrape mon portable qui vibre dans ma poche. C’est la brune.

Mon cœur devient dingue dans sa cage, même si je voudrais qu’il ne le soit pas. Elle me remercie pour la photo. Je souris maintenant. Je ne la pensais pas capable de me répondre un truc du genre.

Je croyais qu’elle allait s’empresser d’effacer ce truc, de me nier, de faire comme si je n’avais pas passé la nuit à fouiller son portable.

Je la revois hier.
Batte de base ball à la main, prête à me l’éclater sur la tronche.

Je la revois assise dans ma caisse. Elle m’observait du coin de l’œil, comme si elle était intriguée.

Je la revois cet aprèm. En pyjama, les cheveux en bataille, le ventre à l’air.

Je prends les clés de ma caisse, éteins la télé et sors. Elle travaille ce soir.
Arrivé sur le parking, j’aperçois la Jeep de Sam. Je sais qu’il avait une réunion ce soir, donc c’est qu’elle est venue seule.

Je grimace parce que j’aurais adoré la ramener, comme hier. Je coupe le moteur, scrute les environs. Les gars ne sont pas là ce soir et je me retrouve seul à vouloir tuer le temps pour attendre la sortie de la brune.

J’attrape mon portable, regarde vers la superette, range mon téléphone avant de sortir.
La sonnerie tinte quand je passe la porte. Tout est propre et bien rangé. Elle a su gérer le merdier que j’ai causé la veille… Du coin de l’œil, je la vois se retourner. Elle était affairée à ranger les paquets de clopes sur l’étagère, derrière elle mais je sais qu’elle a mis son taf en standby pour m’observer. Je me dirige vers les frigos, attrape un sandwich au fromage avant de me diriger vers l’unique caisse. Le gérant m’observe de sa réserve. Je lui jette un œil, avance vers ma proie.

Elle regarde étrangement mon sandwich, puis ses yeux remontent vers les miens.

- Ajoute-moi une bouteille de blanc.

Elle croise ses bras sur le comptoir, plonge ses yeux incroyables dans les miens. Je la fixe, je ne moufte pas. S’il n’y avait pas cette vitre entre nous, et si elle n’était pas Malo, je l’attraperais par la nuque et exigerais qu’elle baisse son regard méprisant. Mais c’est la nièce de Sam et il m’arracherait la tête si je faisais ça à cette fille.

- Il me faut ta carte d’identité dans ce cas.
Ses lèvres s’étirent, ses dents se plantent dans celle du bas.

- T’es sérieuse ?
Elle hoche la tête. Mon sang pulse dans mes veines quand je remarque que ça la fait rire. Elle ose se foutre de ma gueule en plus.

- T’es bizarre, ajoute-t-elle en haussant les épaules, tu fais tout pour que je décroche la place, mais tu ne veux pas que je suive les règles.
- File-moi cette bouteille et dépêche-toi.

Je sors de ma poche un billet, lui tape sur le comptoir alors qu’elle se redresse.
- Je pensais que t’avais de l’humour mais je me trompais.

Elle choppe la bouteille derrière elle, la scanne et la dépose dans la trappe.
Je prends mes marchandises, me casse du magasin. En remontant dans ma voiture, je me hais. Je me hais d’avoir envie de la voir, d’avoir envie qu’elle me cause, qu’elle me demande de la ramener alors qu’elle m’énerve. Elle ne semble pas craintive de mon monde. Son père avait il monté un autre gang ? Est-ce qu’elle avait encore des contacts avec Sam ? Je soupire, déballe et avale mon sandwich, ouvre et bois une longue gorgée de blanc. L’alcool me brule la bouche, la gorge, me réchauffe dans la seconde où je l’ingère. Je m’enfonce dans mon siège, les yeux rivés sur la porte. Deux gars que je ne connais pas entrent dans le magasin. J’attrape mon portable, appelle JK. Le gros répond tout de suite.

- Il y a deux types inconnus au bataillon qui viennent de se pointer à la superette.
- T’as vue sur leur caisse ?

Je me retourne, regarde par-dessus mes sièges.
-Attends, je sors.

Quand mes pieds touchent le bitume, je ne remarque pas d’autres véhicules si ce n’est celui de Malo. J’avance jusqu’au magasin, le contourne, téléphone vissé à l’oreille.
-C’est une Astra argent. 32DFK627.
- Soit des gens de passage, soit une nouvelle immatriculation des keufs.

Je raccroche, vide mes poches et planque le tout dans les buissons qui séparent le parking arrière de la route. Je me ramène dans la superette. Les deux tête de cons se font couler un café. Leur holster est visible alors je confirme auprès de JK. Qu’il rameute du monde. Les condés n’ont rien à foutre ici.

Malo hausse un sourcil quand elle me repère dans les rayons. Je vais à la caisse, lui tends le paquet de gommes qu’elle scanne.

- Tu sais je peux te donner un sac si tu veux, histoire que tu fasses tous tes achats d’un coup.
Je fronce les sourcils, esquisse un léger sourire.

- J’attends la fin de ton service.
Ses joues se teintent de rose, sa bouche s’entrouvre.
- J’ai la Jeep de Sam donc…
- Je sais.
Ils sont derrière moi, je les sens alors je me retourne pour leur faire face.

- Je savais que le bon vieux John vendait de la merde mais à ce que j’en trouve direct collée à mon cul, ça m’épate !

Ils sortent immédiatement de leurs gonds et j’en joue. S’ils me touchent, les gars vont répliquer. L’un deux prend sa radio et s’éloigne tandis que son collègue me demande mes papiers. Je lui donne. J’en ai rien à cirer. Il n’a rien sur moi et je n’ai rien non plus.
« Bien connu de nos services. Possession de cannabis, de cocaïne. Possession d’armes. Violences. Outrages. ».

La liste est longue mais je m’en carre. Je provoque. Je veux qu’ils dégagent.
Le flic me rend ma carte mais je la balance, le pousse. Il me plaque au sol quand je lui fous mon poing dans la tronche. Il saigne, son sang gicle sur mon t-shirt. Je me débats. Mon coup de tête assomme l’un d’eux. L’alarme du magasin se met à hurler mais je n’entends que leurs souffles expectorés, que leurs mots gueulés qui me demandent de la fermer, de ne pas bouger. Flingue pointé sur mes jambes, je ne bouge plus quand l’autre connard me fout à plat ventre, qu’il me menotte.

- Alors mec, t’es un chaud, toi.
Il me tâte les couilles pour voir si je ne planque rien et comme c’est le cas, il me relève.
La brune derrière sa vitre a le regard vide, le teint pâle. Je la regarde elle. Rien qu’elle. Enfin tu me vois, poupée. Je t’avais dit que tu ne me connaissais pas et enfin, tu me découvres.

« Arrestation en cours d’Isham Jalbo… Ouais… Mmhhh… Outrage. Ouais, on le ramène avec nous avant que ses potes débarquent ».

Dealers Wicked Tome1 : IshamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant