Les Enfants de la Faucheuse : Tome 3

Chapitre 24 : Double choc

Le « bip » entêtant de la machine se répète inlassablement, il finit par envahir tout le crâne de Billie qui lutte pour replonger dans le sommeil chimique dans lequel on l'a plongée. Ces derniers jours, elle a oscillé entre conscience légère et sommeil profond mais elle sent que le voile qui la coupe de la réalité s'étiole de plus en plus. Finalement c'est le bruit du chariot que l'infirmière pousse dans sa chambre qui la sort de sa léthargie comateuse.

Elle agite d'abord doucement les doigts, se réapproprie chaque parcelle de son corps, chaque battement de cœur, chaque souffle qui empli ses poumons, et enfin elle ouvre les yeux. La chambre est propre, impersonnelle, fonctionnelle. La jeune femme s'agite légèrement pour attirer l'attention de l'infirmière qui approche le gobelet d'eau jusqu'à ses lèvres.

-Alors la belle au bois dormant ?

-Soif !

C'est tout ce que Billie répond alors que la femme en blouse éloigne la paille de ses lèvres après ce qui lui a semblé une minuscule gorgée d'eau.

-Je sais mais vous devez y aller doucement, le temps d'émerger. Vous avez inconsciente plus longtemps que d'ordinaire.

-Combien ?

-Pardon ?

-Combien de temps j'suis restée dans les vapes ?

Du regard, Billie scrute la pièce avec une inquiétude grandissante. L'infirmière suit son regard, sourcils froncés avant d'ouvrir la porte de la penderie, lui montrant son cuir ainsi que ses vêtements. Son geste a pour effet de faire sortir un énorme soupir de soulagement à la blonde.

-Un peu moins d'une semaine, mais l'avantage c'est que ça a permis à votre corps de se reposer.

-Je peux sortir quand ?

-Il faut voir avec le chirurgien, en général on attend deux bonnes semaines.

-C'est mort !

La femme lui adresse un sourire compatissant en réajustant son oreiller. Elle se prépare à parler, sans doute pour lui expliquer qu'il est important qu'elle se repose mais un petit tapotement à la porte l'enjoint au silence. L'homme qui pénètre dans la pièce est massif, les bras couverts de tatouages, les épaules carrées et le cuir qu'il porte sur le dos est parsemé de patchs divers. Le sergent d'arme du club approche du lit de la jeune femme et pose une grosse main bourrue sur le sommet de son crâne. Ce geste n'est pas dans ses habitudes et l'estomac de Billie se tord quand l'infirmière quitte les lieux et que le grand bonhomme s'assied au bord du lit.

-Comment tu te sens ?

-Vaseuse. Comment va Caem ?

L'homme détourne le regard, il semble chercher ses mots. Billie sent un frisson désagréable lui remonter l'échine.

-Kenneth ?

-Je...écoute gamine, je sais pas comment annoncer ce genre de choses.

-Accouche putain !

La porte s'ouvre alors que Billie vient de lever la voix sur le sergent d'arme, c'est Aghna qui pénètre dans la pièce, suivie de son jumeau, Declan. La sœur et le frère de Caem ont les yeux rougis, la mine sombres. Declan se contente de hocher la tête en cadence, Kenneth est redevenu muet. Billie sent la bile remonter son œsophage alors qu'Aghna articule, la voix brisée.

-Il est mort, ils l'ont massacré.

La petite blonde émet un râle étranglé alors qu'elle sent distinctement son cœur gonfler dans sa poitrine avant d'éclater en un million d'échardes brulantes. Le moniteur auquel elle est reliée s'agite, émettant des bruits de plus en plus stridents. Billie arrache les fils qui la relient à l'appareil et essaie de se redresser dans son lit, rapidement stoppée dans son élan par la main solide de Kenneth.