Chapitre 8 : Instinct de survie

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Les sons lui parviennent, d'abord étouffés, puis de plus en plus clairs, mais pour le moment Billie est incapable d'ouvrir les yeux. Tout son corps est engourdi, elle doit faire preuve de toute la volonté du monde pour enfin réussir à redresser légèrement la tête et à décoller ses paupières. La lumière est douce mais l'environnement ne lui est pas familier et si elle se souvient s'être assoupie chez Royce, rien de ce qui l'entoure ne ressemble de près ou de loin à son studio.

Billie est tout à fait éveillée à présent, elle se redresse dans un mouvement brutal qui lui tire une grimace douloureuse. La tête lui tourne, elle porte une main à son front, comme si ça pouvait y changer quelque chose !

-Alors la belle au bois dormant, on refait surface, il n'a pas du lésiner sur la dose dis-moi. J'aurais aimé me présenter à toi de façon plus civilisée mais il semblerait que l'on doive se contenter de cela. Je suis Layan, Layan Van Stratter, j'aurais bien dit « pour te servir » mais je doute que tu goûtes l'ironie de mes propos en un pareil instant, n'est-ce pas.

La voix est grave, chaleureuse, l'éclat de rire qui accompagne ces paroles fait cependant frissonner la jeune fille. Elle tourne la tête vers la provenance du rire pour croiser le regard bleu glacial d'un homme en costume. Brun, cheveux courts, petit bouc taillé au cordeau, l'homme dégage une aura de puissance qui ne fait que renforcer la trouille que Billie sent naître au creux de son estomac. Elle avale tant bien que mal sa salive et essaye de paraître sûre d'elle.


-Où est Royce ?

-Chez lui ou dans la rue à chercher d'autres fillettes crédules.


L'homme s'est avancé, tel un prédateur, il la surplombe à présent et l'odeur de son eau de Cologne titille un vague souvenir dans la mémoire de Billie sans qu'elle parvienne à mettre la main dessus. Tout son corps lui hurle de fuir, ses poils sont hérissés, son cœur bat à toute vitesse, mais quand elle se redresse, une main puissante s'abat sur son épaule et la renvoie sur le fauteuil dont elle essayait de s'extirper. L'homme émet un petit claquement de langue agacé.


-Ne bouge pas, tu pourrais te blesser.

-Laissez-moi tranquille, je veux...je veux rentrer chez moi.

-Toi et moi, nous savons très bien que tu n'as nulle part où aller, Billie.


La gosse relève le nez, incrédule d'entendre cet inconnu l'appeler par son prénom, mais le regard qu'il lui adresse n'augure que des ennuis en perspective alors elle tente de nouveau de se lever. Il la renvoie dans sa position initiale avec tout autant de facilité que s'il avait balayé une poussière de son veston hors de prix.


-Je vais être plus clair vu que tu ne pas compris la première fois. Tu restes assise ici, sinon JE pourrais te blesser ma jolie. Et crois-moi, si rien ne me ferais plus plaisir, tu risques, pour ta part, de ne pas apprécier du tout ce que je pourrais te faire.

Billie se sent transpercée par le regard de ce sale type, nul doute sur ce qu'il vient de lui expliquer, il ne ment pas. Elle ne peut dissimuler le frisson qui lui secoue tout le corps, l'homme n'a pas enlevé la main de son épaule, lentement, du bout des doigts, il remonte le long de sa nuque. La gosse essaye d'échapper à son geste en s'enfonçant un peu plus dans le fauteuil, mais la poigne ferme vient se resserrer sous son menton et la force à croiser son regard.

-Nous nous sommes compris, n'est-ce pas ?

Il semble attendre une réponse, la prise de ses doigts sous le visage de la gamine se resserre un peu plus à chaque instant, alors, de guerre lasse, elle hoche la tête dans un mouvement à peine perceptible. Il la relâche dans la seconde qui suit avec un large sourire qui sonne faux.


-Bien. Tu es intelligente Billie, et jolie, ce qui ne gâche rien. Si tu fais ce que je te dis, que tu te montres raisonnable, tu pourras avoir tout ce que tu veux ici. Vêtements de luxe, maquillage, alcool, drogues, tu n'as qu'à demander.

Tout en parlant, l'homme arpente la pièce et vient déposer divers objets sur la table basse devant elle, comme pour faire étalage de ce qu'elle pourrait recevoir de sa part. Billets, trousse de maquillage signée et hors de prix, un sac de ce qui semble être une marque de haute couture et un petit sachet rempli d'une poudre blanchâtre dont Billie refuse de connaître la provenance. La gosse secoue la tête, frénétiquement, tout ça n'est qu'un horrible cauchemar, ça ne peut être que ça.

-J'en veux pas de ta merde !

La gifle a claqué dans le silence de la pièce, Billie a la joue en feu et les larmes montent à une telle vitesse qu'elle est incapable de les retenir.

L'homme reprend la parole, d'un ton calme et glacial.

-Je déteste la vulgarité, ceci est un avertissement.

Il pousse, du revers de la main, ce qui se trouve sur la table pour s'y asseoir et plonger son regard dans celui de la jeune fille.

-Tu pourrais au moins te montrer reconnaissante, je vais te sortir de ta condition misérable de petite traînée des rues et faire de toi une dame du monde.

-C'est ça ouais, ou tu peux aussi aller te faire voir !


Le sarcasme dans la voix de la gamine tire un nouveau claquement de langue à l'homme qui, sans se presser, se redresse et lui saisit le bras fermement. Billie se retrouve entraînée à travers ce qui semble un immense appartement. Elle n'a pas le temps d'observer les lieux, déjà, l'homme lui fait traverser un couloir, dévaler une volée de marches et ouvre une porte. Il balance la gamine devant lui dans ce qui ressemble à un autre appartement. 

La gosse met quelques secondes à se rendre compte de ce qui l'entoure. Plusieurs hommes sont présents, certains assis sur des fauteuils ou des chaises, d'autres debout. Tous cessent ce qu'ils étaient en train de faire pour poser les yeux sur les deux arrivants. L'un d'eux, un grand type baraqué au crâne chauve et aux bras bardés de tatouage s'approche de Billie et la redresse sur ses pieds sans ménagement. Il la fait tourner sur elle-même avec une moue de connaisseur qui jugerait une jument sur une foire agricole, ses grandes mains ne laissent aucune chance à la gamine de pouvoir lui échapper. Quand il a terminé son inspection il appuie fortement sur les épaules de Billie qui termine assise au sol, aussi choquée que terrifiée.

-On doit s'occuper d'elle patron ?

-Je me le demande Varek...j'hésite encore. Qu'en penses-tu Billie ?

La jeune fille tourne la tête et voit ces regards lubriques tout autour d'elle, ces hommes aux visages rougeauds, aux mines effrayantes qui semblent tout prêts à lui bondir dessus au moindre signe de l'homme en costume. Celui-ci a un petit sourire suffisant sur le visage, il l'observe sans rien dire alors que ses sbires commencent à ricaner. Certains se sont approchés de Billie, si aucun autre que le chauve ne l'a encore touchée, cela ne saurait tarder. La gamine se met à trembler, les larmes roulent sur ses joues alors qu'elle se voit incapable d'articuler quoi que ce soit, elle secoue la tête frénétiquement.

Une fugace pensée la traverse, elle s'est toujours dit qu'en cas de danger elle hurlerait à pleins poumons, grifferait, mordrait....en bref, qu'elle ne se laisserait pas faire. Seulement, elle se retrouvait ici, impuissante, sans voix, paralysée, aussi fragile qu'un chaton qu'on aurait jeté à l'eau.

Alors quand Layan tend la main vers elle, l'instinct de Billie prend le dessus. La môme se redresse et file se cacher dans son dos, elle ne saisit pas la main tendue mais son mouvement est sans équivoque. Elle ne perçoit ni le sourire victorieux de l'homme, ni le hochement de tête entendu qu'il adresse à ses hommes. Lorsqu'il lui saisit le bras, elle se contente de le suivre pour remonter à l'étage, la gorge nouée et plus terrifiée que jamais.

-Maintenant que nous sommes d'accord, nous allons pouvoir nous entendre ma jolie.

Les Enfants de la Faucheuse : Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant