06. Mirella

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Valerian.

Je sais qu'elle aurait insisté, qu'elle nous aurait finalement causé des problèmes si je n'avais pas accepté de lui parler. J'avais donc demandé l'autorisation à Raven, qui avait repris la "garde" de Lyes, m'évitant de le voir rester dans mes pattes dans une conversation aussi sérieuse, que celle que je m'apprête à avoir avec une chef de lignée. Nous avons quitté la salle de réunion, abandonné tous les autres derrière nous, et je la suis jusqu'à ce qui semble être ses appartements dont je referme la porte derrière nous.

Est-ce prudent de m'isoler avec elle ? 

Question légitime, mais elle n'a aucune raison d'être. Mirella ne me fera jamais de mal, parce que je suis de sa lignée, le seul et unique représentant mâle, et qu'elle voudrait avoir à ses côtés. Réaction normale, mais les sorciers n'ont rien promis de ce genre. Ils m'ont conçu, pour éviter la fin de sa lignée, mais cela s'arrête là. Jamais il n'a été question qu'ils m'offrent à elle, peut-être parce qu'elle n'imaginait pas qu'ils puissent réussir. Aujourd'hui, elle voudrait que je rentre avec elle, que j'endosse un destin qui n'est pas le mien. Je le sais, nous en avons déjà discuté, et ma réponse restera la même que la dernière fois. Dis ne m'a jamais dit qu'il souhaiterait que je retourne auprès d'elle. 

- Valerian. Comment vas-tu ?

Je soupire, et m'installe sur un fauteuil présent dans la pièce, avec une nonchalance contredisant ma posture étudiée de la réunion. Un autre soupir s'échappe encore de mes lèvres, car je ne suis pas certain qu'elle éprouve un réel intérêt pour ma réponse. A moins qu'elle abonde dans son sens, ce qui ne sera pas le cas.

- Bien. Distopie est agréable en cette saison.

- Ne voudrais-tu pas venir me rendre visite ? Ne me dis pas que cette vieille crapule de Roderick t'oblige à rentrer immédiatement ?

- Je suis déjà venu, et je préfère rester sur l'île où je suis né.

- Ta place n'est pas avec eux.

- Ma place est là où je pense qu'elle est. Et ce n'est sûrement pas avec vous.

- Tu es un sang pur !

- En petite partie seulement. Mais c'est vrai, les vôtres vous survivront grâce à moi.

Je vois la divine créature s'agacer de mes arguments. Elle veut que je rentre dans un domaine que je ne connais pas, où je ne me sens pas chez moi, sous prétexte que j'ai été créé à partir du corps sans vie de son frère. Elle avait accepté de céder le cadavre aux Distopiens, à condition qu'ils tentent de créer un nouveau mâle à sa lignée, pour qu'elle ne soit pas condamnée, elle aussi. Jamais il n'a été question que cet "héritier" retourne auprès d'elle, auprès d'eux, et je suis encore libre de choisir ma destinée. J'ai été élevé selon les valeurs de Dis, j'ai grandi sur une île vaste et tolérante envers son propre peuple. Ici, les différences sont décriées, là-bas, elles sont louées. Ai-je réellement tord de préférer un monde ouvert à un univers d'arrogance et d'esclavage ? 

Elle s'approche, s'assoit sur le bras de mon fauteuil et pose une main sur la mienne, comme si ce contact allait changer quoi que ce soit entre nous, ou même modifier mon avis de la situation. J'observe le bleu de ses cheveux qui ondule sous l'éclairage de la pièce, les mèches folles qui s'échappent de ses tresses, et je m'attarde sur ses traits fins réhaussés par la détermination du regard qu'elle pose sur moi. Mais tout est vain, je ne la suivrai pas. Je chasse sa main, et ainsi je m'échappe de cette proximité que je ne souhaite pas, sans pour autant me relever.

- As-tu déjà bu du sang, Valerian ? T'a-t-on déjà offert ce plaisir ?

- Je n'en ressens pas la nécessité.

Ne m'entrave pas - T.2 L&V (bxb) [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant