Sybïl ou l'éveil de l'intérêt (I)

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Crepïa a eu une vision, deux autres jeunes gens de Laptica sont destinés à être ses apprentis. Il est parti les chercher alors que son premier apprenti avait disparu un matin. Sybil et Styri vivaient dans les Bas-Fonds, et sont partis avec leur nouveau maitre dans les Farlands

Premier épisode du point de vue de Sybïl.

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     Lorsqu'ils arrivèrent en vue du domaine, Sybïl déglutit, soudainement rongée par le stress accumulé par le voyage. Cela faisait presque deux semaines qu'ils chevauchaient ces étranges bêtes bipèdes que leur maitre leur avait fournies. Sybïl en avait une blanche, assez grande, et apparemment une femelle. Crepïa lui avait expliqué qu'on les reconnaissait à leur tâche sur le front. Apparemment, ces bêtes étaient des oiseaux, mais leurs plumes étaient très fines, et leurs ailes minuscules, les empêchant de voler. Elles étaient ridicules et inconfortables, mais au moins elles ne se fatiguaient pas et permettaient de faire le voyage entre le domaine de son nouveau maitre et Laptica en trois fois moins de temps qu'à pied, et encore, en considérant qu'on survive au voyage à pied. Crepïa voyageait avec un troupeau entier de ces animaux, pour dissuader les prédateurs de les attaquer.

Le domaine de Crepïa était en haut d'une haute colline, bien visible. Dans la lumière du crépuscule – toujours étrange pour la jeune fille qui n'avait jamais connu le soleil – Sybïl distinguait un grand bâtiment principal, en pierre et en bois, avec un ou deux étages et un beau toit en pentes. Il y avait des fenêtres, fermées par des volets, et même un ou deux balcons. Une cheminée dépassait du toit d'ardoise, mais nulle fumée ne s'en échappait. Une haute tour de pierre faisait une dépendance, et était ouverte en haut, comme si elle servait à observer les alentours. Le domaine entier était cerclé d'une clôture de bois, et des moutons paissaient tranquillement à l'intérieur. De temps en temps, d'un trou de la maison, un oiseau s'envolait jusqu'à un autre trou dans la tour ou la bergerie, parfois en portant un paquet dans leurs serres.

En regardant Stýri, Sybïl vit son ami ouvrir de grands yeux en voyant non pas le domaine, mais les paysages autour, des vastes plaines, des forêts, et, plus loin, un grand lac. Stýri était un jeune homme blond, un chouia moins âgé qu'elle. Il était mince et svelte, mais bien nourri, étant donné qu'il venait du quartier Vermeil. C'était un poète, un rêveur, mais comme c'était un homme, les élites intellectuelles n'en voulaient pas.

Un oiseau noir, assez gros – comme une poule dirait Sybïl – vola vers les arrivants et se posa sur le bras que lui tendait Crepïa. Il croassa et Crepïa sourit, avant de se tourner vers ses deux nouveaux apprentis, comme s'ils parlaient l'oiseau. Devant leurs regards perplexes, il soupira et dit :

« Opale m'avertit que l'autre apprenti dont je vous ai parlé en chemin et qui avait disparu est revenu, il y a trois jours. Vous allez pouvoir directement le rencontrer. Ensuite, je vous montrerai vos chambres et vous ferez une bonne nuit de sommeil avant de commencer la visite du domaine demain. »

Les deux jeunes gens hochèrent la tête, et le suivirent. Sybïl avait du mal à voir comment son maitre avait pu comprendre les bruits qu'avait fait le volatile. Celui-ci ne la quittait pas des yeux, et elle n'arrivait pas bien à soutenir son regard animal.

Arrivés dans l'enceinte des clôtures, Crepïa descendit de sa monture et invita les jeunes gens à faire de même. Ensuite, il conduisit le troupeau dans un enclos derrière la bâtisse. Quand il revient, il guida ses nouveaux apprentis jusqu'à la porte, une large porte en bois massif, avec des symboles d'yeux et de plumes gravés dessus. Il n'y avait pas de serrure. Sybïl s'en étonna d'abord, mais elle se souvient que son maitre était la seule personne à vivre dans les Farlands, aucun voleur ne risquait de le cambrioler. L'homme poussa la porte, et entra dans une grande salle, éclairée par des lampes à huile aux murs. Opale s'envola vers un perchoir dans les poutres du plafond, qui semblaient observer les nouveaux arrivants depuis l'ombre. A peine furent-ils rentrés, qu'ils entendirent des bruits de pas précipités.

Contemplations d'un Autre MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant