Chapitre 40

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Je descends les marches et me frotte le visage, j'observe mes mains... Elles sont maculées de sang. Est-ce le mien ? Était-ce mes mains qui en étaient recouvertes ? Ou mon visage ? Peut-être les deux ? Je déglutis péniblement et regarde la bague que je viens de voler. Elle est vraiment belle. Le rubis a l'air de boire le sang qui entre en contact avec lui, comme s'il se délectait de mon massacre. Je repense à l'enchaînement de violences que je viens de commettre. Je recherche une once de regret, mais je ne la trouve pas. Tout ce que je ressens c'est une légère satiété liée à l'allégresse que me procure ma vengeance. Je suis comme cette bague, je me complais dans le sang qui m'entoure. L'idée de la porter m'est insupportable. Je la retire avec une facilité déconcertante. Quand elle quitte le contact de ma peau, le poids de mes blessures me revient d'un coup. La douleur m'enlace et j'en tombe. Je suis assise sur une marche de l'escalier qui mène du premier étage au rez-de-chaussée.

Je ne suis pas loin du bureau de Sam. J'ai conscience que je ne peux pas me laisser aller. Je me force à me relever. Je m'accroche à la rambarde avec témérité et descends les marches une par une. Pourquoi cette action me semble être la plus dure de mon existence ?

Parce que tu es en train de mourir, Léo... Tout ça pour une vengeance et une bague. Ridicule.

Je laisse une traînée de sang sur la balustrade. Je regarde les traces de sang que je laisse dans mon sillage... Je ne pensais pas en avoir encore autant après les saignées que m'a infligées Méphistophélès. Je comprime mes avant-bras pour empêcher le sang de couler et essaie de toucher le moins de choses possible. J'arrive enfin sur un sol plat et je me dis que mon avancée sera plus facile. Je me trompais, des vertiges m'assiègent. Peut-être dû à la perte de sang qui ne se tarit pas malgré la pression que j'exerce sur une partie de mes plaies. Je trébuche et me raccroche au mur, mes doigts ensanglantés tachent le mur à chaque endroit que je touche.

Je vois la porte du bureau de Sam et je continue d'avancer en m'aidant du mur. Les faibles efforts que j'ai tenté de produire pour ne pas étaler mon sang me semblent vains. J'entre dans la pièce sans toquer et en priant pour que le roi des démons soit là. Je me tiens droite dans l'entrée de la pièce. Sam est là. Antone aussi.

— ... A été attaqué. Mes sources parlent d'un démon totalement ensanglanté...

Dans mon empressement pour entrer j'ai ouvert la porte trop violemment et elle claque contre le mur. Antone fronce les sourcils et ses yeux se posent sur moi. Il écarquille les yeux et poursuit :

— Sam ?!

Ce dernier est assis, il ne relève pas la tête, je le vois froncer les sourcils en griffonnant quelque chose. Ça fait une semaine que je ne l'ai pas vu... j'en avais presque oublié à quel point il est beau. Je claque la porte derrière moi et effectue quelques pas dans la pièce. Je m'accroche du fauteuil qui fait face à son bureau.

— SAM ! reprend Antone.

— QUOI ? s'insurge-t-il.

— Tu vas bien ? me demande Antone.

— Comme un charme, lance le roi sans comprendre que son ami s'adresse à moi.

Sam relève enfin la tête, ses yeux se posent d'abord sur son ami, mais quand il me voit, la panique traverse son regard. Il écarquille ses beaux yeux vairons. Un battement de cils passe avant qu'il ne se lève et contourne le meuble qui nous sépare. Je lui souris. Il m'attrape par les épaules.

— Tu es vivante ? Mais qu'est-ce qui s'est passé ? Tu es encore allée à la veuve noire ?

Ces questions me font encore sourire sans que je comprenne pourquoi. Avec ma main droite, j'attrape son avant-bras gauche. Je vois le sang maculer mon bras. Il lâche mon épaule et je fourre la bague de Lilith et celle qu'il m'a offerte dans sa main en refermant ses doigts sur les bijoux.

— J'ai rempli ma part du marché. À ton tour.

Il ouvre sa main et ses yeux restent bloqués sur les bagues. Je regarde à mon tour, elles sont ensanglantées, seul le rubis en est exempté. Il ne dit rien. Il déglutit péniblement. Je cherche le fauteuil que je viens de toucher. J'ai besoin de m'asseoir alors qu'un nouveau vertige me surprend. Il est plus violent que ceux que j'avais en marchant. J'ai envie de lui demander comment on sort d'ici, mais je me sens trop fatiguée pour partir dans l'instant. Toute la colère que je ressentais pour lui s'est essoufflée à force de frapper des démons de ma lame et de perdre du sang. Il se ressaisit enfin et fourre les bagues dans sa poche. Je lui dis :

— Je fais une petite pause et je te laisse tranquille. Je dois juste m'asseoir.

Je recule d'un pas, puis d'un autre. Ma cheville lâche, mais je ne tombe pas, les mains d'Antone m'attrapent légèrement pour me maintenir droite. Je tourne la tête vers lui.

— C'est bon, je gère. Tu vas tacher ta chemise.

Je l'observe plus en détail et c'est déjà le cas. Sam se rapproche, attrape mon bras et le passe sur ses épaules, je sens mes pieds décoller du sol. Il me porte. Je sens ses doigts sur ma joue, mais ne réagis pas à son contact. Je repose ma tête contre lui. Il a l'air totalement paniqué, tout comme Antone. Je ne l'ai jamais vu dans cet état. Il sort du bureau rapidement et avance dans les couloirs. Je suis la seule à parler.

— Où tu m'emmènes ? Je vais aussi salir ta chemise? Tu devrais envoyer quelqu'un nettoyer les appartements de ton ex... Ils sont dans un sale état.

— Merde ! Merde, merde, merde...

L'entendre jurer me fait rire.

— Mais où était-elle ? Qui lui a fait ça ? demande Antone.

— Ne t'inquiète pas, ils ont tous payé.

— Qui ? demande Sam

Mon esprit divague vers les démons que j'ai blessés, voire tué.

— La mort de Maken était trop rapide... Mais j'ai épargné Lilith pour te faire plaisir.

Les ballottements s'interrompent brusquement et Sam me dévisage de ses yeux vairons. Je poursuis :

— J'ai été magnanime avec cette garce.

J'essaie de lever les yeux aux ciels, mais ils se révulsent donc je préfère les fermer. Relever la tête est une épreuve que je n'arrive pas à accomplir, j'arrive à peine à la décoller de l'épaule de Sam. Il a chaud, c'est agréable. Je crois l'entendre parler... Ou c'est Antone ? Je n'en sais rien. Je pense qu'après une sieste, je serais plus en forme.

NON ! Reste éveillée. Idiote !

Ma voix intérieure s'affole, mais je n'arrive pas à saisir sa panique. Dormir me fera le plus grand bien, donc je me laisse bercer par les pas du roi des enfers qui ont repris avec une impétuosité qui me fait froncer les sourcils.


Fall out - L'Âme Vendue au DiableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant