Chapitre 1

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  Je n'avais pas envie de retourner à l'école.

Pas du tout envie.

  J'aurais préféré rester dans mon lit à dormir, sur le canapé à regarder la télé ou encore mieux, dans le salon à chanter à tue-tête.

  Il y a environ un an et demi, Thiago et moi, nous nous étions inscris à un cours de chant et "d'inspiration artistique". J'avoue qu'à la base, c'était juste parce qu'on s'ennuyait et qu'on voulait trouver un endroit où mettre le bazar.

À la base.

  Mais très vite, le chant s'était intégré dans nos vies. Quelques mois à peine après le debut de nos cours, je me suis rendue compte que je sifflotais en boucle des airs que nous avions travaillés. Je me plaisait à m'imaginer sur la scène, applaudie par la foule.

  Parfois, même à l'école, je prenais le petit carnet que m'avait offert Papa pour mon anniversaire et j'écrivais mes pensées et mes emotions, sous forme de chansons. Dès que je rentrais chez moi, je me les chantais jusqu'à qu'elles me semblent parfaites. Ensuite, j'attendais frénétiquement le cours de chant du mercredi après-midi pour les montrer à mon professeur, monsieur Louis, un français.

  La musique n'était pas une de mes passions, comme la course.

  La musique n'était pas un loisir, pour moi.

  La musique n'était pas un morceau de ma vie.

  La musique, c'était ma vie.

  La musique, c'est ma vie.

  Mais aujourd'hui, pas de chant. C'était la rentrée des classes et je ne voulais pas y aller. Je n'aimais pas l'école. Rester assise des journées entières pour apprendre à lire et à calculer que deux plus deux faisait quatre ? Quel intérêt ? Je préférerais courir dans la forêt, chercher des mues de serpents ou de cigales pour les lancer sur les passants et les effrayer, ou chanter.

  La seule chose qui m'amusait à l' école, c'était la récréation. Il est vrai que je n'ai pas beaucoup d'amis - en fait, il n'y a que Thiago - donc ça fait du bien quand tout le monde vous veut dans son équipe, peut importe le jeu auquel on participe.

- Aïsha... Vient déjeuner, tu vas être en retard, me souffla à l'oreille mon père, sûrement pour ne pas me réveiller trop brusquement.

  Faisant comme si je dormais vraiment, j'attends qu'il sort de ma chambre pour ouvrir les yeux.

  Je bondis sur mes pieds, traverse notre minuscule maison jusqu'à la cuisine et m'assis en face de l'assiette remplie de croissants fourrés à la confiture de mon père vient de poser sur la table.

  Je suis sûrement la seule personne de ce monde à manger des croissants fourré à la confiture à sept heures et demi du matin.

  Notre maison est très petite. En fait, elle n'a que trois pièces; la salle de bain avec toilettes, ma chambre et le salon-cuisine-chambre-de-papa. Par contre, notre jardin est immense. Papa dit toujours que la nature est notre maison. Il est jardinier, et plus tard je le serai aussi, ou alors ce sera ma passion. Je ne sais pas.

La seule chose dont je suis sûre, c'est que j'adore les plantes.

  Après avoir mangé, j'essaye de convaincre mon père que je suis malade et que, par conséquent, je ne peux pas aller à l' école - malgré le fait que j'adore l'école.

J'étais forte pour convaincre les gens. J'étais forte pour mentir aux gens.

  Et mon père était très fort pour ignorer ce qu'on lui disait.

  Il prépara une infusion d'herbes séchées qu'il me fit avaler avant de m'ordonner d'aller chercher mon sac et de me préparer à partir à l' école.

  J'obéis et alla prendre dans ma chambre mon sac que je vida volontairement des cahiers et des trousses qui l'occupaient, puis j'enfilais une robe à fleurs rose bonbon qui me faisait ressembler à une pimbêche.

  Je me dépêchai de rejoindre mon père qui s'impatientait devant la porte d'entrée et sortîmes en silence de la maison.

Dehors, il pleuvait.

  Je serra les dents pendant tout le trajet vers l'école. Je n'aimais pas la pluie. Lorsqu'il pleuvait, je n'avais pas le droit de jouer en extérieur, que ce soit à la maison ou à l'ecole. Or j'adorais jouer en extérieur. Parce que, franchement, les jeux de sociétés, c'est bien, mais ça devient vite barbant. Les jeux d'extérieur, non. Enfin pas pour moi.

  En plus, mon père n'avait pas de voiture, donc on a marché jusqu'à l'ecole à pieds.

Et sans parapluie.

  J'arrivais donc devant la grille de l'école trempée de la tête aux pieds. Mes cheveux degoulinaient sur ma robe - bon débarras - et les petites ballerines - roses, elles aussi - que j'avais choisi pour aller avec laissaient des traces de pas sur mon sillage.

Parfait.

Le Sablier 1: Le temps où nous étions enfantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant