Chapitre 3

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  Lorsque la fin de la récréation sonna à nouveau, je me rangea dans mon rang en trainant les pieds.

  Étant donné que j'étais désormais en 6° de primaria c'était à moi et aux autres élèves de mon âge de choisir le jeu. On avait convenu d'une partie de trap-trap.

  J'aimais beaucoup ce jeu. Moins que Thiago qui y vouais carrément un culte, mais quand même suffisamment pour que je vote pour lui sans hésitation.

  Trap-trap était un jeu simple. Un jeu simple avec un nom ridicule, je l'avoue. Les attrapeurs attrapaient les coureurs, les coureurs couraient et les gardiens gardaient les coureurs.
Tout est dans le nom.

  Le seul problème de ce jeu, c'est que ce sont toujours les attrapeurs qui gagnent.

  C'est peut-être pour cela que j'aimais tant être coureuse; pour défier les lois.
Pour gagner lorsque qu'on ne peut que perdre.

Et ça marchais. J'y parvenais.
Je gagnait.
                                   *
- Hé Aïsha ! Attends ! Tu connais la derniere nouvelle ?

  Je me retournais brusquement. Je connaissais cette voix. Je fût obligé de détailler un instant le visage de la fille qui venait de m'interpeller avant de la reconnaître.
Lise.

  Elle avait été dans ma classe en et en 3° de primaria. La première personne qui m'a adressé la parole quand je suis arrivée.

  Pour me lancer une flopée d'insultes plus grossières les unes que les autres.
À ce souvenir, je me refrognais.

- Je ne suis pas sûre de vouloir l'entendre, lançais-je d'un ton froid.

  Au fond, j'avais vraiment envie de connaître cette "nouvelle".

Fichue curiosité.

  Elle m'a sorti son plus beau sourire et m'a ignorée.

- Je lisait un journal, l'autre jour, et j'ai lu quelques chose sur tes parents.

  Elle recoiffa rapidement ses cheveux roux et me souris à nouveau.

  J'ai peut être oublié de mentionner quelques petites informations à propos de mes origines.

  La vérité, c'est que mon père n'est pas mon vrai père. Enfin si, mais pas vraiment...c'est compliqué. Mes géniteurs viennent d'une famille pauvre d'Afrique, et ils n'ont pas pu m'élever. Ils m'ont fait recueillir par celui que je considère comme mon père, M. Ruiz. Celui-ci était tombé par erreur sur mes parents dans une ruelle près de Brazzaville. Aussitôt, mon père - le vrai - s'est précipité sur lui et l'avait supplié de m'emmener avec lui, de me sauver de la famine et de la misère.

  M. Ruiz n'était pas riche, ou célèbre. C'était juste un jardinier du parc de Cordoue, qui, par un hasard de circonstances, s'est retrouvé au Congo à errer dans des rues mal famés.

  Quelques années après avoir été recueillis, mon père m'avait raconté cette histoire. J'avais aussitôt fait des recherches sur internet pour retrouver mes parents biologiques. Je n'avais pas mis plus d'une semaine à reussir. Safia et Ian Iler.    Respectivement médecin et soldat dans l'armée congolaise.

  Et comme je ne savais pas me taire, deux mois plus tard, j'ai dévoilé ce secret aux élèves de ma classe. C'est à partir de la qu'ils ont vraiment commencer à m'arceler. C'était le cas avant aussi, mais après cela la situation a largement empirée. Parce que j'ai beaucoup tout faire pour ne pas m'écrouler sous le poids de leurs insultes, je ne sais pas combien de temps encore je pourrais faire semblant de ne rien voir.

  Je gardais une expression neutre et demandais, calme:

- Et ? Que dit la suite de l'article ?

Lise me fait un clin d'œil.

- Donc ça t'intéresse...!

Je soupire.

- Accouche, on a pas toute la vie, dit-je en tournant la tête vers les autres élèves qui commençait déjà à rentrer en classe. Et comme je vais sûrement me faire virer avant la fin de la journée, on se reverra pas avant plusieurs jours.

  Nullement impressionnée par mon aveu, Lise a continué à rire, amusée par la situation et surement aussi par mon ton bourru.

- Calme - toi, voyons.

- Mais je suis calme !, ais-je soudainement crié.

Notre professeur, Mme Martinez, nous a fusillés du regard.

- Nous sommes dans la même classe, cette année. Tu ne m'a pas remarqué avant la récréation, malgré mes nombreuses tentatives d'attirer ton attention. Enfin, maintenant au moins, tu est au courant. On va pouvoir redevenir meilleures amies, comme avant.

  En disant cela, Lise passe son bras derrière mes épaules.

  Je me crispe à son contact. Lise et moi n'avons jamais été amies.

  Et je m'étais promis que ce ne serait jamais le cas.

Le Sablier 1: Le temps où nous étions enfantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant