Gobi leva la tête de ses notes pendant un instant.
— « Arun a été attaqué avant sa disparition ? » disait Gobi de nouveau surpris. Décidément il a bien fait de venir voir Suresh.
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— « Attendez, laissez-moi finir. Les deux hommes portaient des masques, on n'a pas réussi à voir leur visage. L'un d'eux était grand, c'est celui qui a frappé Arun, et le gars plus petit m'a donné un coup de pied qui m'a mis au sol. Je vous avoue que dans l'état où j'étais, j'avais du mal à réagir. Arun s'est défendu contre les deux hommes, et il se défendait plutôt bien. Quand j'ai réussi à me relever, je suis allé l'aider ». Il prit le temps de finir le reste de sa pinte, il avait besoin de se détendre. Son inquiétude pour Arun se sentait dans son regard. « La bagarre a duré quelques minutes. Vous voyez cette marque au poignet ? C'est le grand qui m'a frappé avec un truc qu'il avait trouvé à côté. Au bout d'un moment, il y a eu plusieurs flashs. On n'était pas sûrs d'où ça venait. Les deux mecs ont paniqué et sont partis en courant. »
— « Des flashs ? Vous savez ce que c'était ? »
Pourquoi Suresh ne m'a-t-il pas informé plus tôt ? pensait Gobi en notant les détails. Chaque nouvelle information rendait la situation d'Arun plus préoccupante.
— « Aucune idée. On était tous les deux trop fatigués pour y penser. Les flashs nous ont aveuglés, nous et nos agresseurs. Ils ont peut-être pensé que c'était la police. On est ensuite rentrés à la maison et on s'est rendu compte qu'on avait tous les deux perdu nos portefeuilles. C'était des putains de voleurs. »
— « Vous avez porté plainte ? »
— « On n'a pas eu besoin. Le lendemain, le gérant du restaurant nous a contactés pour nous dire qu'ils avaient retrouvé nos portefeuilles. Les mecs ont pris les quelques billets qu'il y avait et ont balancé le reste. Le gérant les a récupérés et m'a appelé à mon numéro, qui était inscrit sur ma carte de visite. » disait Suresh avec un certain dégoût. Il ne devait pas aimer les voleurs.
— « Vous pensez que ça a un lien avec la disparition d'Arun ? » demandait Gobi intriguait.
— « Je ne sais pas. Qui voudrait s'en prendre à Arun en vrai ? Peut-être que c'était vraiment une simple coïncidence et qu'on a été juste agressés par des voleurs. Mais tout cela devient plus bizarre ensuite. »
— « Je vous écoute. »
— « Arun est tombé un peu malade et il est allé voir un médecin. Juliette est au courant de ça. C'est après ça qu'il s'est enfermé à l'hôtel. Je pensais que c'était parce qu'il était malade, mais maintenant que j'y pense, c'était bizarre. Il a annulé tout ce qu'on avait prévu de faire pendant son séjour ici. Il ne m'a donné aucune explication. Quand je lui ai demandé s'il comptait rentrer à Paris plus tôt, il ne m'a pas répondu, et quelques jours plus tard, j'ai reçu son message qui disait qu'il allait être injoignable ».
Suresh n'arrêtais pas de faire des gestes avec ses deux mains. Il a du repenser à cette histoire plusieurs fois depuis la disparition d'Arun. On aurait pu croire qu'il était hystérique mais Gobi détectait chez lui une sincère inquiétude pour son ami disparu. Il doutais tout de même. Pouvais t-il vraiment croire à tout ce que Suresh lui disait ?
— « Je sais que c'est bizarre ce que je suis sur le point de dire, mais j'ai pris le temps d'y réfléchir. Pour moi, il n'y a pas de doute, Arun avait peur. Peur de quoi, je ne sais pas, mais c'est clair qu'il avait très peur. Il avait tellement peur qu'il ne voulait plus sortir à Monaco, mais il ne voulait pas rentrer à Paris non plus », disait Suresh. Son inquiétude venait d'atteindre le paroxysme.
Arun, qu'est-ce qui t'a mis dans cet état ? Gobi sentait son propre stress monter, une boule d'angoisse se formant dans son estomac.
— « Pourquoi avez-vous attendu aussi longtemps avant de contacter Juliette si vous trouviez que son comportement était bizarre ? » l'interrogeait Gobi.
— « J'étais très occupé avec mes examens. Je révisais beaucoup pour passer le barreau, donc sur le coup, même si je trouvais tout cela bizarre, au fond de moi, je n'y prêtais pas vraiment attention. Mais depuis, je regrette. Je n'ai pas tout dit à Juliette en connaissant son caractère. Vous savez très bien comment elle est, elle panique tellement rapidement. »
Gobi pensa à la fois où Juliette ne dormait plus de la nuit et refusait de manger quand son chat Gasper avait disparu de la maison. C'était une fille sacrément émotive qui avait toujours très peur de perdre ses proches. Arun et quelques-uns de ses amis avaient passé plusieurs jours à le chercher partout avant de le retrouver. Par la suite, Juliette refusait que Gasper quitte la maison de nouveau.
— « Merci, Suresh, pour toutes ces informations. Je dois y aller maintenant, j'ai un autre rendez-vous important aujourd'hui. Si vous vous souvenez d'autres choses, n'hésitez surtout pas à me contacter, et je ferai de même si j'avais d'autres questions à vous poser. » Gobi but d'une gorgée le reste de Monaco qui restait dans son verre et se leva pour serrer la main de Suresh.
— « Pas de souci. J'espère que vous pourrez rapidement le retrouver. Et sinon, vous comptez en parler à Juliette de cette histoire d'agression ? » Suresh se levait également.
— « Je pense que je vais faire comme vous sur ce coup-là. Si Arun a décidé de ne rien lui dire, c'est pour éviter qu'elle s'inquiète. De plus, je ne suis pas sûr que cet incident ait un lien avec la disparition d'Arun. Pourriez-vous tout de même me donner l'adresse du restaurant où vous étiez allés manger ? »
Suresh nota l'adresse sur le ticket de caisse du Méridien et le donna à Gobi, qui prit le temps de lire rapidement avant de le ranger dans son cahier bleu. Les deux hommes se serrèrent la main et Gobi se dirigea vers l'arrêt de taxi. Il allait sans doute avoir vingt minutes de retard et, en prenant son téléphone qu'il avait mis en mode silencieux, il remarqua qu'un numéro inconnu l'avait appelé trois fois. Il ne voulut pas rappeler, pensant que c'était sans doute l'un des jeunes qu'il devait former, qui l'avait contacté pour savoir où il était. En s'imaginant les deux nouveaux qui allaient l'attendre pendant vingt minutes, voire plus, devant la bijouterie, il voulut rigoler.
Il reçut au même instant un texto d'André. C'était rare qu'il contacte de lui même le journaliste. Gobi sortit doucement son téléphone et l'approcha de lui pour bien lire. Il comprenait parfaitement ce qu'il lisait mais ne voulait pas l'admettre.
Message : « Il est de retour, my friend. J'espère que tu vas pas le recroiser, tu risques de faire une connerie. »
Il rangea son téléphone violemment dans la poche de son jean, son cerveau venait de se rappeler d'un vieux souvenir qui mit un terme à son amusement. D'un pas décidé et d'un regard sévère, il rejoignit le taxi qui venait de s'arrêter. Le conducteur, qui voulait dire bonjour à son futur passager, baissa la tête en voyant le regard furieux de l'homme.
En montant dans la voiture sans dire un mot, dans sa tête, Gobi avait toujours le souvenir d'un Arun blessé qui saignait de la tête aux pieds, avec autour de lui plusieurs corps au sol.
Foutu Gabriel Ardent, tu devais revenir ici hein ?
Pensa-t-il avec une violence intérieure palpable.
Tu vas continuer à nous pourrir la vie.
Le taxi démarra rapidement, roulant sur des flaques d'eau stagnante qui éclaboussèrent les trottoirs.
La seule preuve restante de l'immense orage qui avait frappé Monaco, il y'a deux jours.
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Les Raisons Du Cœur
Misteri / ThrillerUn psychopathe que tout le monde croyait mort réapparaît à Monaco, semant la terreur et le doute. Un homme venu de Paris disparaît mystérieusement, laissant derrière lui une traînée de questions sans réponses. Un jeune journaliste se retrouve entraî...