03 décembre 1943                                                                                                                                                            à Paris

Ruben,

Je reviens d'une dure journée. Mon père m'a pris presque tout mes biens, (mes économies, ma collection de timbres et celle de capsules de bouteilles, mes médailles offertes par mon grand père et même mes quelques animaux en peluche qu'il me restait de ma petite enfance) et les a entreposés dans une petite salle dissimulée par une trappe, elle même cachée sous un tapis recouvert de poussière, à l'intérieur de notre cave fermée par trois gros cadenas. Autant dire que mes affaires sont inaccessibles. Il ne me reste que quelques vêtements, une vieille boîte à chaussures où j'entrepose tes lettres (ne te fais pas de soucis, elle est bien cachée) et ma tourterelle dans sa cage.

Aussi longtemps qu'elle vivra, Rubis t'apportera mes lettres, et elle me ramènera les tiennes. Mon père ne me la prendra jamais.

En parlant de mon père, il a continué de ternir ma journée. Ma chère Maman et lui se sont encore disputés. Au bout d'une heure de phrases houleuses, il n'a plus supporté la discussion et à commencé à battre Maman. Je le sais car je l'ai entendu crier, pleurer et supplier. Quand il l'a enfin laissé tranquille, j'attendais sur le pas de ma porte de chambre (qui donne sur l'escalier). Je l'ai alors vu monter les marches aussi vite que possible, passer devant moi la tête basse, sans un mot, et s'enfermer dans la chambre parentale.

Mais tout ses efforts furent vains. J'avais vu son visage, rouge de sang. Ses lèvres gonflées saignaient, tout comme la plaie béante sur sa joue. Je pense aussi qu'un de ses jolis poignets était cassé, au vu de l'angle anormal vers lequel il penchait. J'ai peur Ruben, j'ai peur pour ma mère, pour ma sœur, et pour moi. C'est sans doute de la lâcheté de penser ainsi, mais je suis terrifié à l'idée qu'il lève la main sur moi.
Mais tu ne dois pas t'inquiéter, je ne suis pas battu pour le moment, je vais bien.

Je t'aime, Eliott.

Correspondance épistolaire interdite entre deux adolescents normaux.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant