05 décembre 1943 à Paris

Petit Eliott,

Je le sais, tu détestes ce surnom, mais il te vas bien. Tu es encore un bébé, un oisillon, que j'ai pris sous mon aile. Je n'y crois pas, tu as vraiment donné un nom à l'oiseau que je t'ai offert ? Et tu l'as nommé Rubis ? Tu es un incorrigible romantique Eliott, et j'ai beaucoup de chance !
Mon petit amour... Ah, quelle idiotie de tomber amoureux de son protégé ! Surtout à l'époque à laquelle nous vivons.
Hier, j'ai aperçu une petite qui, pour rire, embrassait le coin des lèvres de son amie, elle ne devait pas avoir plus de cinq ans, et c'était mignon ! Mais ces deux petites n'ont pas eu de chance, un flic allemand passait par là.
Hier soir, deux familles n'ont pas vu revenir leur enfant. Foutus camps et foutus nazis !
Il nous faut faire bien attention petit Eliott ! Ma vie ne doit pas se terminer là-bas, et jamais je ne te laisserais mourir dans leurs camps. Je ne vivrais pas sans toi, amour de ma vie, c'est compris ?

N'en veux pas trop à ta famille pour tes biens confisqués, nous sommes en période de guerre, ils réagissent avec leurs moyens. Pour tes sous, j'ai un peu de quoi te faire plaisir. "Rubis" peu bien porter quelques pièces, non ? Je sais, tu vas grogner comme un chaton vexé en lisant ces lignes, mais, sans argent, comment vas-tu pouvoir acheter du papier et de l'encre pour m'écrire ? Et je sais que tu adores les pains au chocolat, alors tu pourras en acheter en pensant à moi !

Pour ce qui est de ton père, ce sale... (j'écris des pointillés car je sais à quel point tu détestes quand je jure, même à l'écrit, mais bon, la pensée est là) De quel droit se permet-il de battre la mère de ses enfants ? La femme de sa vie ?!
Eliott, je veux que tu me promettes que si un jour il lève la main sur toi, tu viendras m'en parler. Pas que tu m'écriras une lettre, je veux que tu viennes jusque chez moi et que tu me le dises. Tu connais ma maison et tu sais à quel point y cacher quelqu'un est aisé.
Cette solution ne te plais sans doute pas, mais je refuse que ta charogne de paternel te fasse du mal.

En attente de ta prochaine
lettre, ton protecteur bien aimé,
Ruben.

Correspondance épistolaire interdite entre deux adolescents normaux.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant