04 février 1944 à Paris

Marc,

Après ta lettre, je suis rentrée dans une furie désespérée. J'étais en colère, triste, inquiète et toute sorte de sentiments que je n'avais pas ressenti depuis bien longtemps !
Une fois calmée, je me suis dit que tu avais sans doute encore une fois raison, que tu n'avais pas d'autre choix et que cela ne rendrait ta vie que meilleure. Bien sur, cette conclusion ne m'enlevait pas mon chagrin du fait de savoir que tu ne m'enverrais plus de lettre, et que notre relation était peut être terminée en ce jour, que cette lettre était une lettre de rupture, une rupture sage et gentille, mais une rupture quand même. Car sinon, pourquoi serais-je si triste en lisant tes mots ? Cette conclusion est peut être hâtive, mais j'aimerais que tu confirme ou démente mes propos dans ta prochaine lettre (car j'espère que tu m'en enverras au moins une dernière avant de partir à l'aventure avec ta famille).

Après tout, tu as seize ans maintenant, tu es presque un homme et tu te dois te prendre tes décisions seul (ou presque), et je ne peux t'en empêcher. Oh, que j'aimerais pouvoir t'en empêcher... Mais c'est impossible, je dois arrêter de rêver.
En parlant de tes seize ans, je n'ai pas pu t'acheter de nouveau cadeau pour ton anniversaire, alors je t'envoie le premier, en guise de cadeau de rupture peut être, ou de bonne chance, je n'en sais rien, je ne peux faire que de suppositions, car ta précédente missive m'a vraiment beaucoup troublée.

Si tu n'as pas le temps de me répondre mais que tu lis quand même ces mots, je te souhaite vraiment bonne chance, bonne chance pour cette aventure périlleuse dans ce monde que tu ne connais pas tant que ça finalement, bonne chance dans la vie, que tu te dois d'explorer, bonne chance mon amour, toi que je connais depuis si longtemps maintenant, et toi que j'aime de tout mon cœur d'un amour interdit qui nous fait vibrer depuis plusieurs années maintenant. Bonne chance petit Eliott, car c'est de ce prénom que je t'ai connu, et c'est sur ce prénom que je veux te quitter, si c'est bien cela qui est en train d'arriver. Découvre la vie comme tu m'as découvert, ouvre tes yeux au monde, à la guerre, à l'horreur, mais garde les aussi naïfs, de cette naïveté que tu as depuis le premier jour, et qui, même si elle décroit un peu chaque jour, est toujours présente.

Bonne chance petit Eliott, ton Ruben.

Correspondance épistolaire interdite entre deux adolescents normaux.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant