Chapitre 8 : Le karma

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Un monstre. On souhaitait sa mort, sa destruction, sa disparition.

Depuis les publications des journaux, tout le monde s'intéressait à l'affaire et faisait des commentaires sur le bourreau. Qui était-ce ? Une manifestation aurait lieu devant le poste de police pour juger son incompétence. Les parents avaient encore témoigné en affirmant que le jeune homme était brillant, gentil, bref, la totale. Lire les commentaires sur les réseaux sociaux était devenu une obsession depuis la veille. Elle regardait dès qu'elle avait un moment, quand elle se rendait aux toilettes, dans la voiture quand elle devait partir interviewer quelqu'un, quand elle en sortait... Rien que hier soir, elle avait passé près d'une heure avant d'aller dormir à décortiquer chaque commentaire.

Une semaine et trois jours. Personne n'avait de piste suffisante, on disait que la police ne s'en occupait pas, qu'elle pensait déjà que le garçon était mort, qu'un compte à rebours était en marche et que ce serait bientôt trop tard, que le jeune homme ne survivrait pas longtemps encore, qu'il n'avait plus beaucoup de temps.

Mais depuis que les médias s'en étaient mêlés, elle n'avait plus le choix. Elle se pliait en quatre. Interrogeait ses proches, prenait des dépositions, se renseignait sur ses relations, interrogeait des spécialistes et des personnes lambdas pour leur avis.

C'était le soir. Enfin, il le supposait. Elle ne venait que le soir, après une journée de travail. Et le matin. Il entendait ses pas, dans une demi-inconscience. Il savait qu'il fallait attendre un peu, avant qu'elle n'entre. Alors, il songea à ses proches. Dorian, où étais-tu ? Que faisais-tu ? Travaillait-il ? Pensait-il à lui ? Et... Sa copine, que faisait-elle ? Elle s'inquiétait sans doute. Ça lui manquait de lui parler... Et autres, bien sûr. Ses courbes parfaites, ses gémissements quand ils prenaient du plaisir ensemble... Il était même prêt à reprendre sa vie, les soirées, avouer à Marine qu'elle n'était plus aussi attirante qu'avant, qu'il voulait le faire avec d'autres filles. Même si c'était la seule à accepter de sortir avec.

La porte s'ouvrit enfin. La lumière lui transperça les yeux, comme toujours, et il les cligna plusieurs fois. Il refusait de la regarder, de lui donner de l'importance. Il savait qu'elle était folle et était capable de tout. Il vit son ombre traîner derrière elle, puis ses chaussures s'approcher. Il l'entendait traîner une deuxième chaise derrière elle. Elle disparut le temps de prendre son dîner, qu'elle avait posé dans la cuisine. Elle referma la porte, vint s'asseoir à côté et lui tendit une cuillère pour qu'il mange. Il avait tellement honte. Il se sentait humilié. Mais il n'avait pas le choix. Il remarqua alors que la soupe était plus chaude que d'habitude, et qu'il y en avait plus. Elle le fit boire et redéposa le bol dans la cuisine avant de revenir pour continuer l'histoire, encore et toujours. Il garda la tête baissée, et les images de la dernière fois s'imprimèrent dans son esprit. Quand elle lui avait demandé de prendre une douche, alors qu'il croyait... Non, il était convaincu... Qu'elle lui ferait autre chose. Pour se venger. Pour l'humilier davantage encore. Pour qu'il ait un traumatisme supplémentaire. Il ne l'écoutait pas, plus, peu importe. Cette histoire, il la connaissait.

...

Sept ans plus tôt...

Depuis son aveu, Charlotte s'était sentie responsable. Elle devait aider Léo à retrouver le sourire, à souffrir moins, à trouver la beauté dans ce monde où tout devait lui être terne et sombre. Elle devait être là pour lui, le protéger, le sauver. Elle voulait être la main tendue qui l'aiderait à quitter cet enfer. Elle voulait être celle qui serait à ses côtés, jusqu'au bout. Elle voulait être celle qui le défendra contre les préjugés et les débiles qui se moqueront de lui. Elle voulait juste... Aider.

Dés lors, c'est ce qu'elle avait fait. Au lieu de rester dehors avec le groupe, où il ne semblait pas avoir sa place, elle lui avait proposé de la rejoindre en salle d'étude pour travailler le midi. Réticent au début, il avait pris l'habitude de l'attendre le midi pour qu'ils s'y rendent ensemble. Ils faisaient leurs devoirs en silence. Ce n'était ni gênant ni lourd, juste simple et reposant. Puis le silence se brisait par Léo, qui commençait à parler de lui. Au début, ce n'était que des remarques, sur les exercices à faire ou les profs. Ensuite, c'était des critiques du groupe qui ne faisait pas attention à lui, qui avaient les mêmes délires sans l'inclure dedans, qui marchaient dans la cour sans l'attendre. Enfin, il y eut les critiques et les confessions. Il parlait de ses séances chez le psy, et même chez un hypnotiseur qu'on lui avait recommandé. Elle était sceptique sur l'utilité de s'y rendre, et il lui avoua qu'à part le fatiguer, il ne se sentait pas différent de d'habitude.

Le Monstre (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant