Épilogue

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Le parc se montrait calme, malgré les gloussements et gazouillements des jeunes enfants. Plusieurs bancs faisaient le tour de l'endroit. Un homme était assis là, sur l'un d'entre eux.

Une brise passa, et il se retint de refermer la fermeture éclaire de sa veste. Il observait deux enfants qui se poursuivaient en riant, juste devant lui. Il inspira profondément et ferma les yeux, dont les cernes intensifiaient la couleur émeraude de ses iris. Son teint grisâtre donnait l'impression qu'aucune couleur n'avait jamais envahi ses joues. Sa maigreur révélait le stress qu'il avait subi ces derniers temps. Même ses vêtements étaient ternes.

Il savait que c'était risqué. Il savait qu'il sera poursuivi. Il violait le secret professionnel, mais il avait mûrement réfléchi. Techniquement, il aurait pu payer bien plus tôt après la claque qu'il avait administré, mais le garçon n'avait rien dit.

Ça faisait deux mois que Léo était rentré chez lui. Deux mois que la journaliste était morte. Un mois et quinze jours que les journaux avaient arrêté de parler de cette affaire. Quinze jours pendant lesquels ils avaient proclamé que Léo était un héros, qu'il avait survécu à l'enfer, et que la dénommée Charlotte était un monstre, une ordure, une gamine sortie de l'enfer qui avait voulu détruire la vie d'un jeune homme innocent. Pas un mot sur elle, son passé commun avec le gamin, sa condition mentale.

Les journalistes sont censés creuser les infos, mais ils n'ont rien fait du tout, songea le commissaire, amer. Parce que le seul lien entre la vie extérieure et les personnes, c'étaient les médias. Plus précisément, les journalistes. Journalistes qui n'avaient même pas pris la peine de... Non. Il serra les dents. Il devait arrêter d'être aussi bougon et passer à autre chose. Aujourd'hui, il le pourra enfin. En tout cas avec cette affaire... Parce qu'il sera arrêté par la suite. Au moins, sa femme restait avec sa fille.

Il se souvenait de quand il était rentré, le soir après avoir bouclé l'affaire. Sa femme avait tout de suite vu que ça n'allait pas. Elle savait que ça ne servait à rien de le harceler de questions, qu'il allait s'enfermer dans la chambre quelques temps. Pourtant, il s'était assis sur une chaise avant de sortir, en un souffle :

- Il faut qu'on déménage... Pour notre fille.

Avant d'éclater en sanglots. Jamais sa femme ne l'avait vu ainsi. Alors, il lui avait tout dit sur l'affaire. Et Charlotte... Le fait qu'elle était devant lui... Qu'elle ressemblait à leur fille... Elle n'avait pas cherché à discuter, elle avait commencé à éplucher les annonces le soir même.

Il pourra se dire qu'elles seront en sécurité, que sa fille pouvait recommencer sa vie. Au moins ça. Mais il savait qu'elle ne sera jamais en sécurité. Il y avait des cinglés partout, à chaque coin de rue. Tout le monde était capable du pire. C'en était effrayant. Il l'avait vu maintes fois pendant sa carrière.

Il sortit son portable de sa poche, pour faire mine d'être occupé, et tapa impatiemment du pied. Il était en retard. Il détestait les personnes en retard. Surtout qu'il avait pris de gros risques pour venir jusqu'ici.

Quelques temps après la mort de Charlotte, l'homme s'était rendu avec son équipe dans sa maison. C'était une maison tout à fait banale, que beaucoup n'aurait pas pu acheter seul. La jeune journaliste l'avait payé grâce à l'héritage touchée par la mort de sa soeur. Après des fouilles méticuleuses, ils avaient retrouvé une lettre de sa part... Pour la police. Elle expliquait, sur de longues feuilles blanches, sa version de l'histoire, ce qu'elle ressentait tous les jours (des idées noires, globalement), ce qu'elle comptait faire au début mais ce qu'elle avait fait ensuite. Elle terminait par un testament. La plupart de son argent revenait à des associations humanitaires, le reste à sa famille, ses anciens amis et ses collègues. Elle avait demandé à ce que la maison revienne à Zach Wilton, un homme avec un trouble dissociatif de l'identité qui avait monté une association sur la maladie mentale. Et enfin, une lettre qui s'adressait manifestement à Léo, mais qui n'avait jamais été terminé, en dehors d'un "Léo," froid, en haut de la feuille. Peut-être comptait-elle lui écrire, avant de monter tout ce plan. Peut-être qu'elle comptait garder le message pour elle, ou alors lui envoyer quand... Quand tout se serait fini. Ils ne le sauront jamais.

Le Monstre (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant