Chapitre 2 : Colère froide

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- ... Donc mon mari a créé cette merveille.

La dame la regardait avec un air nostalgique. Charlotte se retint de se gratter de nouveau, s'efforçant de garder son stylo sur le carnet. Elle détestait se rendre directement chez les personnes pour les reportages. Elle se sentait toujours enfermée dans ces espaces clos. Surtout que sa maison était au style à l'ancienne, mais avait une odeur assez... Désagréable. À moins que ça n'était que celle de la dame en face d'elle.

En plus, elle en avait rien à faire de son vélo recyclable.

- Et euh... Est-ce que vous voulez le garder ?

- Bien sûr ! Vous ne pensiez pas que je comptais le vendre, quand même !

Elle se ratatina davantage sur son siège en notant ses dires. Elle avait hâte de rentrer chez elle pour prendre une bonne douche et chasser cette sensation de démangeaison qui la traversait.

- Vous ne prenez pas de gâteau ?

- Merci, mais je n'ai pas faim...

C'était vrai. Charlotte avait l'estomac noué. La dame la considéra d'un œil rempli de jugement.

- Vous devriez manger davantage. Quoique... C'est vrai que vous pourriez finir en surpoids, et qu'il faudrait peut-être maigrir un peu... Mais si vous ne mangez pas beau-

- Merci pour cette entrevue, coupa la jeune femme. Je pense qu'on a toutes les informations.

Ce n'était pas tout à fait vrai, il lui manquait encore deux questions, mais elle ne voulait pas rester ici une seconde de plus. Elle se leva, ferma son carnet et le colla contre elle, comme pour le protéger de ses paroles ou de son odeur. La dame prit son temps pour quitter sa chaise et tendit sa main à la journaliste.

- Merci à vous. Mais vous savez, j'ai un ami diététicien, il pourrait...

Charlotte la serra, sachant qu'elle était moite, et se retint de grimacer quand elle sentit une nouvelle démangeaison dans sa paume. Elle n'écoutait plus la femme et attendait qu'elle termine son monologue avec un sourire crispé.

- ... Je pourrais lui donner votre numéro, conclut-elle.

- C'est gentil, mais non merci. Je me gère bien. Merci, et au revoir.

Elle retira sa main et prit congé. Elle sentait les yeux brûlants de la dame la juger et la suivre jusqu'à qu'elle disparaisse dehors. Là, la blonde inspira profondément et se dirigea vers la voiture de fonction. Elle s'installa derrière le volant, et ne résista pas à la tentation de se verser du gel hydroalcoolique sur les mains. Elle les frotta énergiquement et démarra la voiture.

Charlotte se sentait rassurée en se garant. Elle détestait conduire, et devoir emprunter un véhicule qui ne lui appartenait pas était encore pire. Elle regarda l'heure. L'avantage, c'était que le rendez-vous avait duré toute l'après-midi. Elle pouvait donc directement rentrer chez elle, en emportant le carnet et l'appareil photo.

À peine rentrée que la jeune femme prit le temps de se plonger sous l'eau chaude de sa douche, avant de se changer rapidement. Elle se sentait nerveuse de devoir faire une nouvelle fois face à Léo. Elle haïssait ce garçon de tout son âme, il méritait d'être enfermé. Mais sa morale était en conflit. Est-ce que quelqu'un méritait vraiment de se faire enfermer ainsi ? Il restait un humain, qui était là pour elle au début... Oui mais c'était justement le début. Après, il l'avait lâchement abandonné. Comme un déchet. Comme une petite merde insignifiante qui n'avait jamais compté pour lui. Elle serra les poings, les jointures devinrent blanches. Son sort, sa blessure à la tête, il le méritait. Il n'avait pas eu une seule once de remord en la voyant. Alors, pourquoi elle en aurait pour lui ? Si elle, elle était une merde, lui il était quoi ?

Le Monstre (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant