Chapitre 1

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POV de Pierre

J'arrive pas à dormir. Peut être parce que je suis dans un lieu inconnu, avec des draps qui sentent pas comme d'habitude, des respirations étrangères autour de moi, et un teeshirt de pyjama alors que je dors toujours à poil.
Peut être que c'est parce que je viens d'entrer dans une émission télé, que ce soir j'étais en direct devant des milliers de gens, et que j'ai chanté sur scène.
J'arrive pas à redescendre, mes émotions se bousculent, le stress, la fierté, la boule au ventre et l'excitation.
Je repasse mentalement toutes les personnes qui ont vécu la même chose que moi ce soir, et aux côtés desquelles je me réveillerai demain matin. Certains seront des potes, j'en suis persuadé : ce Normand au sourire sincère par exemple, Victorien. Ou bien ce gars un peu raide mais au talent indéniable, Julien. Je les connais à peine, mais ils vont être mes frères d'aventure, il va falloir qu'on se serre les coudes.
À bien réfléchir, il y en a une que je connais un petit peu mieux que les autres, parce qu'on a pas mal répété ensemble : elle s'appelle Helena et elle est belge. J'étais content de chanter avec elle, parce qu'elle est souriante et qu'elle a un regard expressif, j'arrivais à y lire plein d'émotions pendant notre duo. Et si moi j'y arrivais, les spectateurs aussi, non ? Je verrai bien demain si mon intuition se vérifie, mais je pense qu'Helena a touché le public par sa sensibilité.
Et moi, qu'est ce que j'ai pu apporter ? On me dit parfois que j'ai une belle voix, mais je l'ai toujours trouvée banale. J'ai joué de la guitare, mes mes doigts tremblaient tellement que je suis pas sûr du résultat. On verra bien... demain, on se verra à la télé, et Cécile nous dira ce qu'elle en a pensé. Tiens, y'en a un qui ronfle... tant mieux, je serai pas le seul. Enfin ça c'est si j'arrive à m'endormir un jour... Allez, dors, Pierre, bordel... je pense trop. Et penser que je pense trop, ça me fait penser à des pensées auxquelles j'ai pas envie de penser. Des flash que j'ai pas envie de voir, mon cerveau qui me repasse des films que j'ai vu des milliers de fois. Stop. Mon estomac se tord en un noeud désagreable. Mes sourcils se froncent et mes dents se serrent. Ah putain, ça veut vraiment pas. Bon tant pis, je descends fumer une clope, c'est trop dur, là. Helena aussi fume des clopes. J'ai appris aujourd'hui qu'il ne faut pas dire les mots en rapport avec le tabac. Il faut faire semblant d'aller faire une promenade dans le parc et y aller un par un, sauf pendant la pause où on fait ce qu'on veut. Là, c'est le milieu de la nuit, alors je pense qu'on s'en carre le coquillage que je fume pas derrière le grand sapin à gauche du château. Flemme d'aller jusque là bas. J'ai qu'à me mettre à la porte d'entrée, je resterai à l'intérieur et je passerai que le bras dehors. Ça me permettra de pas m'habiller... ouais, c'est une bonne idée. Allez go.
J'enfile un sweat et descends à pas de loups, mais des petits bruits de souris m'indiquent que je ne suis pas seul en bas.
- Pierre, c'est toi ?
- Euh ouais.
- Je descendais remplir ma gourde, m'explique Helena
- Au milieu de la nuit ?
- Euh oui, je suis insomniaque, je dors pas beaucoup.
- Moi non plus je dors pas beaucoup, je lui avoue.
- j'me pose un peu trop de questions je crois...
- T'as de la chance
- Ah bon, pourquoi ça ?
- Quand on se pose des questions c'est qu'on a encore des choix à faire, et pas des regrets à ressasser.
Je me mords la langue, regrettant instantanément d'avoir dit ça. Qu'est ce qui me prend, sérieux ? D'ailleurs, Helena me regarde avec des yeux ronds, une expression d'incompréhension se forme sur son joli visage. Je romps le contact visuel parce que j'ai pas envie de m'enfoncer dans mes explications. Je me force à me concentrer sur ma cigarette comme si j'en voyais une pour la première fois de ma vie, quitte à ignorer ma camarade. Je vois dans le reflet de la porte vitrée qu'après quelques secondes d'hésitation, probablement à peser le pour et le contre d'approfondir cette conversation, elle tourne les talons et remonte se coucher.
J'attends qu'il n'y ait plus aucun bruit pour en faire de même, laissant la nicotine envahir mon corps et se charger de mon endormissement.

Pierre précieuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant