Quand j'étais petite, j'ai perdu brutalement mon grand frère. Ça m'a valu des années de thérapie et un syndrome de stress post traumatique sévère. Du coup, je suis devenue assez bonne spécialiste des symptômes associés.
Quand elle apprend mon histoire, même si j'en ai parlé le moins possible, seulement en quelques mots, Lucie vient m'en parler hors caméra... Elle commence par me dire qu'elle est désolée, et qu'elle comprend.
- je sais, je lui avoue. Je l'ai senti tout de suite, qu'on partage quelque chose toi et moi.
- Qu'est ce que tu entends par « le sentir » ? M'interroge-t-elle, curieuse.
- Je le ressens à la manière d'un radar. Une intuition qui me dit « oulah cette personne aussi a vécu un truc pas drôle ». Julien et Lennie l'ont aussi, mais différemment...
- Ils doivent probablement souffrir tout autant, elle affirme
- Oui, j'en doute pas, mais ils ne se laissent pas -ou plus ?- ronger par leur douleur. La douleur, ça nous lie, mine de rien. C'est elle que j'arrive à détecter chez les gens, que je sens habiter en nous deux...
Et en Pierre. J'en suis persuadée. Mais ça, je le garde pour moi. Ça ne regarde personne à part lui.
- je comprends de quoi tu parles, les traces que ce deuil impossible ont laissées, qu'on portera toute notre vie.
- Oui, c'est comme un bagage trop encombrant qu'on doit emmener partout et ne nous quitte jamais..
Elle me regarde avec douceur. Je me demande à quel point elle a souffert, surtout qu'elle a dû traverser ça presque toute seule, à l'époque de Gregory. Personne ne savait qu'elle l'aimait tant. Elle cohabite, comme moi, avec cette douleur.
C'est comme ça que je le devine au début, pour Pierre. Je la sens aussi, tapie dans l'ombre, sous ses airs de mec tranquille. Il laisse échapper quelques indices. Déjà, il dort pas. On a la même insomnie, celle de 3h du mat, c'est typique. Celle qui te réveille la boule au ventre, comme après un cauchemar, sauf que ton cauchemar est arrivé dans la vie réelle. Moi, ça fait tellement d'années que je les gère, que j'arrive la plupart du temps à me rendormir rapidement. Mais ce n'est pas le cas de Pierre. Il ne va pas bien, quand ça lui arrive. Je l'ai vu la première nuit, quand on s'est croisés en bas. Y'a rien de pire que d'être seul dans ce moment là, et même si, quand je lui ai promis de le soutenir, on parlait surtout musique et compétition, moi, j'étais sincère et je le laisserai pas comme ça. Alors la deuxième nuit, puis les suivantes, je me rendors pas. Je descends et je vais le chercher. Je le retrouve dehors, en train de fumer. Il a les cheveux ébouriffés, mouillés par les sueurs froides. J'ignore ce qui lui est arrivé, je sais qu'il n'est pas prêt à me le raconter, alors c'est moi qui lui parle. Il n'est plus seul. Je lui parle jusqu'à sentir ses épaules se relâcher, sa mâchoire se décrisper, puis je me débrouille pour qu'il aille se recoucher. C'est un peu comme un somnambule, faut le rediriger gentiment vers son lit, sans trop qu'il s'en rende compte. Hors de question qu'il rumine des heures ses pensées angoissantes, je le laisserai pas se faire du mal comme ça, j'en ai moi-même trop souffert.
La journée, Pierre vit sa petite vie et moi la mienne, on est tellement nombreux et bien occupés qu'on ne fait que se croiser. Sans compter les caméras et les micros.
Cet après-midi, pendant mon goûter, je l'entends dans le salon, à la guitare. Il joue Shallow.
Je quitte la cuisine pour aller le rejoindre, et il plonge son regard dans le mien, comme s'il y puisait de la force. Je comprends que c'était sa manière de m'appeler à venir près de lui, qu'il avait besoin sans oser le demander. Pierre est comme ça, et c'est un mystère pour moi, parce qu'on se connaît à peine et que ca m'est jamais arrivé avec personne d'autre, mais indubitablement, sans un mot, j'arrive à le comprendre. On se sait.
On parle jamais de ce qui se passe la nuit, ni entre nous ni aux autres.
- tu vas bien ? Je lui glisse à l'oreille, régulièrement.
Il me répond toujours que oui, parfois même seulement par un imperceptible hochement de tête. Personne ne comprend que cette petite question anodine a davantage de profondeur que les « ça va » lancés à tous bouts de champ. Mais lui, il le sait. Et un jour, il me répondra.
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Pierre précieuse
FanfictionPierre et Helena se rencontrent à la star academy, et l'alchimie est quasiment instantanée. Alors que toute la France se demande pourquoi ils n'officialisent pas leur histoire d'amour; pourquoi ils choisissent de rester amis, pourquoi malgré l'évide...