Chapitre 11

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POV de Pierre

Helena a un mouvement de recul et son regard est horrifié.
- On était à une soirée, j'avais pas bu une goutte parce que c'était moi qui devait la ramener ce soir là. Mais on s'est disputés et j'ai voulu partir. Je voulais pas la laisser mais elle insistait pour rester. Je lui ai dit de m'appeler quand elle était prête à partir. Mon plan c'était de rentrer et de revenir la chercher plus tard. C'était une soirée chez nos amis, on connaissait tout le monde, elle était en sécurité. Mais j'étais à peine parti que mon tel a sonné. J'ai même pas décroché, j'ai juste fait demi tour pour repasser la prendre. J'arrivais devant le jardin et elle a surgi de nulle part. Il faisait même pas nuit noire, parce que le jardin de mes amis était éclairé pour la fête. Tout le monde était dehors - c'est ça qui m'a sauvé. Une dizaine de personnes ont pu témoigner que je roulais hyper doucement, et qu'elle s'est jetée sous mes roues. J'ai rien pu faire. Je sens encore le choc, l'impression que mon estomac se retourne; que je vais vomir. Sortir de la voiture et la trouver sur le bitume, inconsciente. L'ambulance, l'hôpital, la police... la nuit en garde à vue... et puis les doutes. Parce que même avec les témoins, comme Béryl ne s'est jamais réveillée, elle n'a jamais pu donner sa version des faits. D'une certaine manière, elle m'a aussi privé de mon innocence. Dans ma ville, certains croient encore que je l'ai fait exprès. C'est faux. Pour rien au monde je n'aurais voulu ça.
J'ose enfin regarder dans la direction d'Helena qui s'est appuyée contre le plan de travail de la cuisine, comme si elle allait tomber par terre si elle ne s'y tenait pas. J'ai mal au cœur.
- Tu crois... qu'elle a voulu se tuer ?
- Je sais pas et je saurai jamais. Une chose est sûre, elle s'est jetée la tête la première, c'est pour ça qu'elle a été gravement blessée à alors que j'allais vraiment pas vite.
- Et t'as passé la nuit au commissariat ?
- Pire nuit de ma vie. J'ai cru que Béryl allait mourir et que j'allais passer ma vie en prison.
- Comment elle va maintenant ?
- Elle est dans un coma profond, sans aucune réaction. Elle est stable, elle pourrait se réveiller demain, dans 10 ans ou jamais. Et c'est à ce moment là qu'on connaîtra les séquelles. Il n'y a aucune certitude.
- Tu vas souvent la voir ?
- J'y allais une fois par semaine au début, puis une fois par mois. Je lui parle, je lui demande pardon...
Je m'essuie le nez, ça coule partout, j'me soule à être aussi triste, aussi paumé, aussi bête, mes larmes coulent contre mon gré et j'arrive pas à m'arrêter, je sens mon cœur s'emballer et j'me demande comment je vais pouvoir m'échapper de cette situation. Je plaque mes paumes sur mes yeux dans une tentative de stopper mes pleurs.
Je sens Helena se rapprocher et prendre mes mains dans les siennes. Je sais pas ce qu'elle pense, j'ose pas la toucher alors je la laisse venir à moi à son rythme. Elle a pas l'air fâchée, elle a pas l'air de me trouver monstrueux. J'ai l'impression de sentir de la douceur dans son regard, qu'elle se rapproche de moi presque autant qu'avant cette conversation. Elle lâche mes mains pour caresser mon visage et c'est la sensation la plus tendre que j'aie jamais vécue de ma vie. J'ai l'impression d'être consolé comme un gosse. J'ose pas ouvrir les yeux de peur que ça se termine. Elle remet mes cheveux en place, les mèches collées dans le sel des larmes. Elle les maintient en arrière pour découvrir mon front et l'embrasse avec douceur.
- Pierre, si tu me dis la vérité... et je crois que c'est le cas... tu n'as rien à te reprocher. Tu as tout fait pour la mettre en sécurité et vous avez eu un malheureux accident, qui n'est pas de ta faute. Tu m'entends ? Ce n'est pas ta faute.
J'acquiesce d'un signe de tête, parce que même si je n'y crois pas, ses mots me font tellement de bien que je n'ai pas la force de la contredire. Après tout, j'aimerais tellement y croire.
Je me lève pour laver ma tasse de café et elle me suit de tellement près que quand je me retourne, nos deux corps se retrouvent plaqués l'un contre l'autre. Je me baisse pour mettre mon visage face au sien. On se regarde intensément. Puis nos lèvres, irrésistiblement attirées, se cherchent jusqu'au dernier centimètre. On sait qu'on ne le franchira pas, mais je savoure son souffle qui se mêle au mien, l'odeur de sa peau, sa bouche entrouverte qui cherche la mienne avec envie. Je dévie vers sa joue avant que la tension me rende fou. Je l'embrasse là, puis je remonte doucement jusqu'à son oreille, pour lui chuchoter ce que je ressens tellement fort que ça me consume de le garder pour moi.
- je t'aime.
- Moi aussi, je t'aime Pierre.

Pierre précieuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant