Aussitôt, on sauta hors du lit déjà vêtus, de jeans et d'un T-shirt larges, par mesure de précaution. Ma mère nous fit mettre des tennis, qu'elle avait déjà préparé, pris le sac avant de nous traîner avec elle. Ginette courait avec sa fille sous le bras, son mari à ses côtés portait un sac.
Malgré le lourd sac sur son dos, d'une main ma mère tenait les petites mains de mes sœurs et de l'autre, elle tenait celle de mon frère et la mienne. Notre voisine était derrière nous, et elle et ma mère échangeait entre elles, se disant rapidement, où on pourrait se retrouver si on se perdait de vue.
Autour de nous, les gens hurlaient, les enfants pleuraient. Des gens blessés, couraient en se tordant de douleur, certains blessés étaient soutenus par d'autres personnes. Des morts gisaient au sol dans des flaques de sangs.
Lorsque j'eus la mauvaise idée de tourner la tête pour regarder au loin, je sentis ma respiration se bloquer lorsqu'une vision d'horreur s'offrit à moi. Les flammes rougeoyantes dansaient ravageant tout sur leur passage, une fumée noire, épaisse et imposante s'élevait. Je croyais voir la mort en personne.
Je voyais le chaos
Les cris s'élèverènt une nouvelle fois, lorsque des rafales de tirs se firent entendre.
- MEN YO!! MEN YO!! PA KANPE SE YON MASAK KI AP FÈT DEYÈ A WI!! ( ILS SONT LÀ!! NE VOUS ARRÊTEZ PAS, ILS SONT EN TRAIN FAIRE UN MASSACRE, LÀ DERRIÈRE.)
S'en suivit la panique générale, branle bas de combat. Ma mère qui courait déjà redoubla d'effort, nous entraînant brutalement dans son sillage, notre voisine et son mari à notre trousse. Les balles sifflaient, les gens couraient et la fumée nous étouffait.
Fuir pour quitter l'espace était une chose, mais échapper aux balles perdues en était une autre. D'un geste rapide, ma mère nous entraîna dans les broussailles et nous ordonna de taire, on marcha à couvert pendant plusieurs minutes, lorsqu'on entendit un homme crier. Ma mère trop préoccupée par notre sécurité, préféra ne pas y prêter attention.
Mais moi j'ai vu...j'ai vu cet homme courir en tenant ses enfants dans ses bras, sa femme à côté de lui. Des dizaines de coup de feu se firent entendre et l'homme criblé de balles tombant au sol, à côté de sa femme inerte, emportant ses fils avec lui, dont l'un touché d'une balle en pleine tête, les yeux grands ouverts et vides braqué dans les miens.
J'émis un cri étouffé, ma main posée sur ma bouche, remerciant que mes frères et sœurs n'aient pas pû voir ce massacre. Et c'est la que je me suis rendue compte, qu'une famille entière, venait de se faire abattre sous mes yeux.
- Léa viré tèt ou pitit fim, pa gade. (Léa, retournes la tête ma fille, ne regardes pas.) Me reprimanda la voisine derrière moi la voix tremblante
Je n'arrivais plus à parler, je me laissais entraîner par ma mère comme une marionnette, je ne croyais même plus que mon âme était encore dans mon corps, j'étais...vide.
La seule chose que je voulais, c'était de me réveiller de ce terrible cauchemar, retrouver la douceur de mon lit, et si ce n'était pas un rêve, je voulais que la terre m'engloutisse et mette fin à cette douleur qui se propageait dans mon corps comme un venin mortel.
Nous suivimes bientôt le mouvement de foule, et après des heures de marches non stop, on arriva enfin sur une place publique où la plupart des gens s'étaient permis de se reposer, en entendant le lendemain.
La famille de madame Ginette, maman et nous, trouvions une place sous une partie couverte. On décida alors de rester groupé, après tout c'était mieux pour nous. Farfouillant dans le sac en faisant attention à ne pas faire tomber nos documents importants, ma mère sortit deux bouteilles d'eau et un paquet de crackers.
Elle donna une bouteille d'eau et trois crackers à nos voisins. Elle garda l'autre bouteille d'eau pour nous, après avoir donner à chacun de nous un crackers. Malheureusement mon estomac était noué, je ne pouvais m'empêcher de revoir cette famille se faire tuer et mes yeux s'embuèrent. Ces enfants étaient...tellement petits, tellement gentils.
Qu'aurais-je fais si cela avait été l'une de mes sœurs? Ou encore mon frère ou ma mère? Ils étaient la seule famille qui me restait, et...
Je sentis ma gorge se serrer et mes yeux se remplirent de larmes, avant que ma mère ne vienne me serrer dans ses bras en faisant des gestes circulaires dans mon dos. Tout cela, sous les regards incompréhensifs de mes frères et sœurs, mais compatissants de Ginette et de son mari Jacques. Celui-ci continuait de bercer leur petite fille, qui prenait son biberon calmement, ne se rendant sûrement pas compte de ce qui ce passait autour d'elle
Mes parents avait sûrement raison, j'étais peut-être faible finalement, j'étais trop faible pour ce monde. Je laissai mes larmes aller s'écraser sur la poitrine de ma mère, alors que mes sanglots étouffés m'empêchait de respirer.
Et puis j'avais recommencé:
Première inspiration
Respires calmement
Deuxième inspiration
Tout ira bien
Dernière inspiration
Tu feras en sortes que tout aille bien
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𝕮𝖆𝖕𝖙𝖎𝖛𝖊 𝕯𝖚 𝕮𝖍𝖆𝖔𝖘 (𝚒𝚗𝚜𝚙𝚒𝚛𝚎́ 𝚍𝚎 𝚏𝚊𝚒𝚝𝚜 𝚛𝚎́𝚎𝚕𝚜)
Non-FictionSi selon le proverbe : les murs ont des oreilles, la particularité ici est que ces oreilles-là ont des armes. Nous vivons sur le qui-vive, chaque geste est compté. Chaque millième de secondes est calculée. Chaque erreur est fatale et chaque mot...