Ce qui se tapisse dans les ombres

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     La ville portuaire, construite à flanc de montagne, s'étendait sur toute la péninsule ouest du continent. Les hautes falaises ocre, aux arêtes aiguisées, enfermaient la cité dans une cuve empêchant toute fuite. La pression atmosphérique aride et sèche, restreignant le développement de toutes vies végétal, écrasait l'air d'une intense chaleur. Les astres solaires parcourant les cieux, martelaient de leurs rayons mortels les sols fumant. Seule la ville en contrebas, rafraîchit par une brise légère venue de l'océan, échappait à la canicule.

     Posant ces yeux sur l'immense cité coupée en deux par une maigre rivière à moitié asséchée, il contempla les quartiers pauvres, dont les odeurs accentuées par la chaleur, lui parvenaient. Des habitations de fortune, bâtis de pierre et de boue séchée, aux toits de carcasse de métal. Au plus loin, en bordure de mer, d'immenses villas aux toits plats, reflétaient les rayons solaires par leurs blancheurs immaculées. Les quelques points de verdure offrant une ombre bienfaitrice aux habitants, immenses palmiers aux larges feuilles, ressemblaient à de minuscules bâtons verdâtres perdus dans un océan de pierre blanche.

     Les vies qui grouillaient ici-bas, avaient grandement déçu le général Forn. Lui, l'un des derniers généraux originels, s'était fait grandement avoir par ses camarades. Une nouvelle gloire lui avait été promise, avec pour son plus grand plaisir, l'autorisation d'user de nouveaux sorts. La planète lui avait été décrite comme un fier fief à dominance belliqueuse. De grandioses armées de soldats et de mages aux pouvoirs uniques, dont la puissance magique résonnait au-delà des frontières spatiales. Des prêtresses aux charmes enjôleurs, donc la pureté de leurs magies, rendaient gloire aux dieux. Des temples majestueux aux milles richesses et aux plaisirs sans limite. La déception se lisait grandement sur son visage. La cité, immense marché aux esclaves, était sans intérêt. Aucune richesse, pas de magie, l'extrême pauvreté et la violence d'une vie de servitude régissaient tout le monde. Seuls les maîtres, dont les richesses étant leur nombre de serviteurs, semblaient vivre confortablement. Mais même là, aucun d'entre eux ne pratiquait la magie ou les combats, leur unique loisir étant de se pavaner dans un luxe factice.

     Devant le port, s'étendait une immense place aux nombreux étals. Les vendeurs, hurlant tels des chiffonniers, vendaient majoritairement du poisson, fruit de la pêche intensive, seule denrée exportable de ce petit monde mineur. Certains, vendaient la viande d'un étrange bœuf à trois cornes, élevé sur les petites plaines jouxtant le grand désert. Ce mets, qui n'était pas d'un grand raffinement, était réservé aux maîtres qui semblaient s'en contenter de peu. Quelques stands, offraient un peu d'exotismes en proposant des fruits et des légumes, acheminés d'une petite planète non loin. Leurs prix bien trop élevés n'étaient pas destinés à la populace. Maîtres et esclaves, s'entrecroisaient sans un mot au milieu des étals, et il n'était pas rare d'assisté à des punitions publiques sur la scène centrale, quand elle ne servait pas à vendre les produits des rapines des chasseurs d'esclaves venus de toute la galaxie.

Et il s'étonne de ne pas vendre assez d'esclaves ? Vu la manière dont ils sont nourris, ils sont bien trop faibles pour travailler. Je comprends mieux le nombre d'accidents et de mort dans les fonderies. Et dire que j'allais leur proposer une épuration, grosses erreurs ! Ils sont même bien trop affaiblis pour tenter la moindre révolte !

     Ses pensées dérivèrent vers la fillette dont il avait assisté à la punition peu de temps après son arrivée dans la ville. Accusé de vol, même son châtiment avait ennuyé le général. Dix coups de fouet et quelques doigts en moins, sentence totalement inutile, devant servir de leçon aux autres. Malgré tout, il avait fait preuve de bienveillance en ordonnant que l'enfant lui soit remis, avant de l'envoyer vers les mages pour la soigner. Le maître de la fillette n'avait pas osé dire non à sa demande. La prestance et l'aura du général imposaient la peur. L'effroi qu'il provoquait, était contrasté par les traits délicats de son visage et sa corpulence. Homme de taille moyenne, le corps musclé, les yeux bleue et les cheveux d'un blond cendré, son visage autrefois si lisse, était marqué par une cicatrice couvrant son œil droit. Vêtue d'une simple toge pourpre, surmontée d'une armure d'argent étincelante au soleil, seule l'étincelle de folie animant son regard, laissait à supposer la dangerosité de cet homme.

Avant que la lumière ne s'abatte.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant