Ce qui fût jadis interdit

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Les boursouflures d'un soleil rougeoyant, martelaient de sa chaleur son songe enfiévré.

Ce monde va disparaître...

Les ondées brumeuses, provoquées par l'écrasante morsure de l'astre solaire, faisaient fumer la pierre blanche, rendant l'endroit austère. Elle montait un escalier, haut, voûté d'arceaux sous lesquels, assis sur leur trône, les statues des anciens rois de ce monde veillaient. Leur visage sévère, emplit d'une douleur infinie, leurs joues noyées de larmes de sang qui coulaient abondamment de leurs regards éteins, et cette litanie qui résonnait dans sa tête, comme un message silencieux de ces monarques de pierre.

Ce monde va disparaître...

Elle hâta le pas, accompagnée par une ombre qui s'abattait, condamnant les vivants à hurler seuls dans l'éternité. La plaine houleuse aux senteurs de la mort et de magie noire, offerte au vent capricieux, apportait les éclats d'une braise ardente sur sa peau, faisant trembler le feuillage sans un bruit. Elle se figea.

Je suis sur Elysia ? Ce temple qui s'élève ? C'est l'îlot sacré d'Arca ?

Sa pensée se transforma en une terreur sourde. Emplissant son être, envahissant la moindre conscience de ce qui se déroulait sous yeux. Tel un film en noir et blanc, les images qui se succédaient dans sa tête, d'une lenteur infinie, la projeta devant le parvis du temple qui se dressait majestueusement. La voix de son professeur lui contant l'histoire de ce monde résonna, mêlée aux sanglots d'un homme se tenant devant l'immense porte du bâtiment.

Dominant la route royale sur l'îlot sacré d'Arca, le temple construit à l'apogée de la civilisation Elysienne a toujours été dédié aux Dimiour qui se sont succédé dans le cinquième Méros.

Ce monde va disparaître

Pitié je ne veux pas mourir...

Deux gigantesques griffons rugissants, fait de bronze et aux orbites sertis, veillent sur la porte du bâtiment divin. Rappelant des oiseaux prêts à l'envol, ils se dressent fièrement à cent mètres du sol. La porte, dont la finesse de ses gravures enluminées de l'or le plus fin, renvoie aux temps glorieux ou les dieux marchaient encore parmi les humanoïdes, renferme les trésors les plus prestigieux de Elysia.

Ce monde va disparaître

Pitié que quelqu'un m'aide...

La puissance que dégagent les larges colonnes du péristyle, rend hommage aux styles architecturaux audacieux d'un temps ou la grandeur de cette nation, résonnait dans tout l'univers. Le mélange de l'archaïsme et de la sérénité du style dorique, dont s'est targué ce peuple durant des années, abonde dans les livres d'histoire les plus prestigieux, au sein des plus grandes bibliothèques des mondes habités.

Ce monde va disparaître

Les voix cessèrent de tournoyer dans son esprit. Les larmes coulant silencieusement sur son visage et la peur qui l'avait envahi, s'évanouir. Reprenant ses esprits, mais toujours paralysée, elle se tenait sur la dernière marche menant à la colline, autrefois emplit d'étals, ou les natifs se réunissaient pour festoyer et boire avant la messe.

Le parvis, envahi par les hautes herbes, n'avait rien de bucolique. Regorgeant d'une vie animale abondante et de parasites aux maladies pugnaces, la puanteur qui s'en dégageait la rebuta. L'ancienne fontaine croulante sous la mousse verdâtre d'un champignon se tordait sous la noirceur d'une aura maléfique.

Incapable d'émettre le moindre son ou de bouger jusqu'à sa main, elle restait spectatrice d'une scène irréelle. Elle le voyait très distinctement. Un homme, agenouillé, se lamentant au rythme de ses supplications, sa magie répugnante altérait la beauté de la pierre blanche de l'ancien panthéon. Les éclats noirâtres que dégageait l'humain, insultaient la lumière de cet ancien symbole d'une foi aujourd'hui disparu.

Avant que la lumière ne s'abatte.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant