Le Roi et le devin

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Personne ne savait qu'à chaque sortie, le Roi avait peur. En remportant des batailles, il remportait autant d'ennemis coriaces. Prêt à tout pour obtenir la paix intérieure, en bon protecteur du Clergé, Hubert s'adressait à Dieu et se confessait aux hommes d'Eglise.

Mais un jour, agacé par les pouvoirs de ceux-ci. Il fit un pas de côté et chargea Aurèle, son valet confident, de trouver le meilleur devin de la contrée.

Installé dans un coin sombre du petit salon, le souverain attendit patiemment l'arrivée de son visiteur. A moitié endormi, il fut brusquement réveillé par un bruit de porte. Aurèle, à bout de force, fit entrer un grand homme mince caché sous une cape noire bordée de franges et d'un chapeau à large bord au sommet pointu . Tous deux étaient suivis de serviteurs portant une malle.

Avant de commencer, Sa Majesté posa des conditions.

- Je ne veux entendre que les bons présages. C'est une consultation privée, si cela venait à se savoir, vous serez pendu en place publique.

Adémar hocha la tête :

- Personne n'en saura rien votre Majesté.

Il ouvrit la malle et en sortit des cailloux, des os, des entrailles d'animaux, des plumes d'oiseaux, un miroir. Il commença par manipuler les viscères cherchant un signe. Puis il s'adressa aux dieux dans un drôle de langage ressemblant à cela :

- Boyti roudou ter maé dandé di mé té péŕé asé roti amo amo amo damé damé damé mercé mercé mercé

Les sourcils froncés, l'air perplexe, Hubert se gratta la tête et leva les yeux au ciel. Il hésita un moment, cherchant s'il devait l'expulser d'un bon coup de pied aux fesses ou s'il devait continuer à écouter ces sornettes. N'était-il pas préférable de revenir à la foi ?

Adémar jeta les cailloux et analysa la disposition de ceux-ci puis il termina par le miroir dans lequel il vit précisément l'avenir du Roi. Alors, il prédit :

- Sire, vous recevrez bientôt des voyageurs étrangers qui vous apporteront des cadeaux.

Hubert demanda :

- Ces cadeaux comment sont-ils ?

Adémar s'approcha des cailloux et l'ont pu voir l'appendice important dépassant du chapeau :

- Ils sentent divinement bons.

Hubert s'approcha des cailloux et les flaira :

- Je ne sens rien. Ils n'ont pas d'odeur. Continuez je vous prie.

Adémar s'approcha du miroir :

- Sa Majesté tombera amoureux d'une jeune fille de la Cour, elle sera très jolie, beaucoup d'hommes en seront épris mais elle n'aura pas de nez.

Alors le Roi se mit à rire jusqu'aux larmes tout en se chatouillant le ventre puis se ressaisit en regardant le miroir :

- C'en est assez, je ne vois rien !

Adémar répondit :

- Il est normal que vous n'y voyiez rien Sire, vous n'avez pas de troisième œil.

A cet instant, le devin leva la tête et Hubert put voir pourquoi lui ne voyait pas.

Voir autrement, voir au-delà de la vue.

Le roi, c'est moi !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant