Chapitre 7

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            Les elfes dansaient. Ils se mouvaient lentement, puis accéléraient, exécutant des mouvements compliqués de leurs mains, comme des artisans tissant une toile. La magie tournoyait entre les apprentis, attirée par leur essence vibrante de vie. Les couleurs chatoyantes illuminaient la pièce, offrant un spectacle silencieux et indiscernable des créatures de la forêt.

Zer assistait au cours avec un naturel surprenant pour un séraphin et surtout, un étranger. Les elfes d'En'lenwë n'auraient jamais partagé leur Tissage avec une créature des airs. Une histoire de mystérieuse haine ancestrale. Pourtant, Yeux-vairons suivait les étudiants de dernière année aussi naturellement qu'un elfe. Je grognai lorsque nos regards se croisèrent, saisit d'un malaise grandissant. Son œil lilas dégageait une énergie... sombre... corrompue. Si les démons des récits ancestraux avaient existé, il en aurait été l'image parfaite. Sa beauté diabolique n'avait d'égal que son aura malfaisante et son odeur de cadavre. J'avais soudainement pris conscience de la puanteur en fin de matinée, l'odeur était apparue de nulle part. Depuis, le parfum fétide n'avait cessé d'assaillir mon odorat sensible. Qu'il soit un être perfide aurait été plus simple, mais nous savions maintenant que les démons et les fantômes constituaient une seule et même espèce : les âmes damnées, pourchassées par la mort. Une telle créature n'aurait jamais échappée à la vigilance de l'Ancienne.

Le séraphin me voyait, s'intéressait clairement à mon existence et j'aurai parié qu'il maniait aussi bien le fouet que ses syllvhes douteux... mais sa signature ne pouvait pas être plus différente de celle de Mystère. Mon intuition me hurlait qu'ils étaient liés, d'une façon ou d'une autre, qu'il était dangereux et que ma survie n'était pas garantie à l'issu d'un face à face. Et pourtant, Zer se fondait dans la masse des apprentis et s'était lié d'amitié avec quelques elfes. Il me faisait l'effet d'une salamandre au milieu d'un troupeau de chèvrons : il était un lézard sournois, toisant d'inconscients herbivores, songeant à la sauce qui les accompagnerait le mieux.

J'avais perdu presqu'une journée à l'observer, sans aucun résultat. Je grognai et montrai les dents une dernière fois, puis m'éclipsai de la salle de classe, prenant la direction des quartiers de l'Ancienne. Mon corps se mouvait avec une lenteur affreuse. J'appréhendais la discussion mère-fille. Maman était mon repère, mon idole, mon monde. Je n'avais jamais craint de venir lui parler, je n'avais jamais vu l'anxiété tordre son visage comme ces derniers jours, je ne m'étais jamais sentie oppressée par son aura menaçante, celle qu'elle ne dirigeait jamais à mon encontre. Ces derniers temps, je ne reconnaissais presque plus ma mère. Ma gorge se serra à cette pensée.

Je pénétrai silencieusement dans les quartiers de l'Ancienne, accédant au salon. L'atmosphère terreuse m'accueillie, meublée de l'éternel sofa beige et de sa table basse. Ma mère était assise, les yeux dans le vague. Cela lui arrivait parfois. Ses mains délicates portaient à ses lèvres une tasse en porcelaine, qui me semblait être aussi vieille que le monde. Un autre récipient, vide, attendait près de la théière. Un sourire fleurit sur son visage lorsqu'elle m'aperçut et ses yeux mauves reprirent vie. Sa voix éthérée s'éleva, m'invitant à la rejoindre. Je m'assis à ses côtés, troublée, un instant, par son humeur joyeuse. Toute trace d'anxiété s'était envolée.

— Cela fait longtemps que nous n'avons pas partagé de tasse de thé, relevai-je.

Je versai du liquide fumant dans ma propre tasse. Un arome délicieux s'en dégagea.

— C'est vrai. Je devrai peut-être te tirer plus souvent hors de la bibliothèque, rit maman, ses mèches d'or liquide miroitant les rayons de lumière à chaque mouvement. Quand tu étais petite, tu demandais à prendre le thé au moins trois fois par jour...

Sêptenrion : L'enfant Des DieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant