Interlude n°2 - partie 3 : La Valse des Fleurs

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Leur idylle continua ainsi plusieurs semaines, Meia et Scéphale s'aimaient sous le cerisier, au palais royal, à la Taverne des Fleurs ou au sommet de l'arbre. La Guerre, qui s'était aisément forgé une place en tant que marchand impitoyable, couvrait son amante de présents et de tendresse. L'amour était un sentiment étrange, qu'elle pensait connaître, mais qui la transportait de mille et une façons inattendues. Scéphale était consciente que l'elfe ne serait pas éternelle. Cependant, elle comptait bien lui dévouer tout son être pour le prochain millénaire. Et peut-être Meia accepterait-elle de la suivre dans le cosmos après sa mort. Garder des âmes mortelles à leur côté était un privilège des dieux.

- Si tu le pouvais, voudrais-tu vivre éternellement ? lui avait-elle demandé.

- Non, avait répondu Meia. J'aime le frisson de danger que je ressens lorsque je frôle la mort, c'est ce qui me fait me sentir vivante. L'éternité serait ennuyeuse, je préfère vivre et mourir plutôt que de dépérir sans jamais être libérée. J'aime la vie, l'éternité serait la haïr.

Scéphale avait silencieusement accepté ses paroles.

Cela faisait plusieurs jours que Meia agissait étrangement : elle évitait son regard, passait de longues heures à murmurer son amour, et des larmes solitaires coulaient sur ses joues lorsqu'elle se croyait seule.

- Meia, dis-moi ce qu'il se passe, je t'en prie, supplia Scéphale.

La déesse avait assis la princesse sur son lit de la Taverne des Fleurs et s'était agenouillée devant elle. L'elfe bascula sa tête de droite à gauche, refusant de répondre.

- Je t'en prie, répéta la Guerre.

- Oh Scéphale, sanglota Meia. La guerre contre les séraphins ne viendra jamais. Mon père s'apprête à signer un traité de paix et c'est moi qu'ils veulent en tribut, parce qu'à la moindre brèche du traité, ils peuvent me tuer. Tu comprends, mon amour ? Après tout ce que j'ai accompli pour En'lenwë, après tout ce que j'ai fait, je ne suis qu'une garantie, un collatéral. Mon nom prend tout son sens, maintenant... Meia... Je n'étais destinée qu'à être un vulgaire gage de paix.

- Tu te trompes, protesta Scéphale. Tu es une femme forte, belle et puissante. Tu as toujours lutté pour ce que tu penses être juste, mais si tu n'en peux plus de te battre, partons. S'il te plaît, pars avec moi. Nous pouvons fuir cette ville et ces gens qui te causent tant de peine, nous pouvons vivre comme tu l'as toujours désiré et partir à l'aventure ! Tu peux vivre pour toi, Meia, tu as le droit de vivre pour toi, tu mérites de vivre pour toi !

L'elfe secoua la tête et lui caressa tendrement la joue.

- Je ne peux pas abandonner mon peuple.

De rage, la déesse embrassa la princesse, écrasant ses lèvres sur les siennes. C'était un baiser désespéré. L'elfe lui mordit la lèvre et la gifla. Scéphale recula, hébétée.

Meia la contempla un instant, ses yeux jade brillant de larmes. Puis elle éclata en sanglots et se réfugia dans les bras de son amant, murmurant qu'elle l'aimait si fort, si fort qu'elle pourrait en mourir. Scéphale enlaça l'elfe tremblante. Sa joue brûlait encore.

La nuit suivante, Scéphale regarda son amante sombrer dans un cauchemar peuplé d'hommes à plumes. Elle effleura ses mèches lilas et déposa un tendre baiser sur son front avant de se glisser hors de la Taverne des Fleurs. Elle galopa dans les rues plus vite qu'un aigle et passa outre la muraille du palais, bondissant de tour en tour à la recherche du roi des elfes. Que faire ? le menacer ? le tuer ? tuer les ambassadeurs séraphins ? enlever Meia ? Non, sa princesse ne lui pardonnerait jamais de tels actes... Scéphale se sentait perdue. Malgré son statut d'immortelle, malgré ses millénaires d'existence, elle était démunie face à l'amour. Elle s'imagina convaincre le roi de la laisser emporter sa fille voir le vaste monde. Elle pourrait toujours lui forcer la main... mais encore une fois, Meia la haïrait et refuserait de s'éloigner de son peuple.

Sêptenrion : L'enfant Des DieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant