3. Le parc

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Je suis assise sur la chaise de mon bureau, occupée à faire les exercices de math que la prof nous a demandé de terminer pour demain. Je ne parviens pas à me concentrer. Je ne cesse de penser à ce qui s'est passé tantôt. À l'école mes amies n'ont pas arrêté de vanter mes mérites à Liam "si tu la voyais monter" "je suis déjà allée chez elle, il y des trophées sur tous les murs de sa chambre, c'est impressionnant" "elle est incroyable, elle deviendra championne du monde un jour". Ça ne venait pas d'une mauvaise intention, mais toutes ces remarques ne me rappelaient que à quel point j'étais devenue pathétique. Aucune de mes amies n'est consciente de l'effet que sa mort a eu sur moi, seule Estelle le sait. Et le fait que Liam m'ait vu à deux reprises agrippée au mur comme une enfant tétanisée ne m'aidait certainement pas. Il doit sûrement croire que j'ai menti sur mon niveau et même si je me fiche de ce qu'il peut bien penser de tout ça, je ne peux pas m'empêcher d'y penser constamment.

Mes pensées sont interrompues par quelqu'un qui toque à la porte de ma chambre entrouverte.

― Tu peux entrer, crie-je.

Ma mère entre dans ma chambre et s'assoit au bout de mon lit.

― Ça n'a pas l'air d'aller ma chérie ?

Pendant une fraction de seconde, je me dis que ce serait peut-être une bonne idée de lui parler de ce qui me tracasse. Mais j'y renonce vite pour éviter une longue discussion qui ne me m'aidera quand même pas à me sentir mieux.

― Si ça va, ne t'inquiète pas, je suis juste fatiguée.

C'est vrai que je suis fatiguée, la reprise des cours et de l'escalade s'est faite presque au même moment et ça m'épuise beaucoup, mais ce n'est pas le problème principal en ce moment.

― Tu es sûr ?

― Oui, promis. On mange quoi ce soir ?

Je tente de dévier la discussion rapidement. Je ne suis pas d'humeur à parler de ça aujourd'hui.

― Ton père va faire des burgers maison.

― Génial, j'adore.

Ma mère sort et j'attends d'entendre le bruit de ses pas dans les escaliers pour aller fermer la porte de ma chambre.

Je décide d'envoyer un message à mon amie pour lui proposer d'aller faire un tour quelque part. J'ai vraiment besoin de me changer les idées et personne ne saura mieux le faire qu'Estelle. Cette fille est ma meilleure amie depuis une dizaine d'années. Nous nous sommes rencontrées lors d'un stage et avons gardé contact depuis. Elle est l'opposé de moi, je suis plutôt une fille discrète qui évite de se faire remarquer alors qu'elle adore attirer l'attention. Je préfère passer un moment sympa avec une ou deux amies plutôt que d'être en soirée collée à plein d'inconnus qui puent la bière et la transpiration, alors que Estelle ne jure que par ça. Quand je reçois de l'argent, je préfère le garder pour le jour où je voudrais m'acheter un petit truc qui me fera vraiment plaisir, tandis qu'elle dépense tout directement dans le maquillage et les vêtements. Nous sommes le yin et le yang, le soleil et la lune, deux opposés qui s'accordent parfaitement. Mais c'est ça qui fait que notre amitié est parfaite.

Je reçois sa réponse quelques secondes plus tard.

Je descends, enfile mes converses encore humides de ce matin et avertis ma mère de mon départ.

― Tu peux y aller, je t'enverrai un message pour te dire quand revenir pour souper.

― D'accord, à tantôt.

Je sors de la maison et marche en direction de l'arrêt de bus. Je lève la tête pour regarder le ciel. Il est totalement bleu, mais les gros nuages noirs à l'horizon me font comprendre qu'il ne va sûrement pas tarder à pleuvoir. J'aurais certainement dû prendre une veste. Après une dizaine de minutes, le bus s'arrête juste en face du parc dans la ville d'à côté. Je descends et marche vers mon amie qui attend près de la file d'entrée. Le ciel s'assombrit doucement, mais malgré ça l'air reste assez chaud.

Grimpe sans moi si tu le veuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant