VII : Comprendre

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Impossible... Atterrir dans le monde de son roman... Tout bonnement impossible. Aucun auteur n'avait parlé de cela auparavant ou n'avait expérimenté cela. Infaisable, irréalisable, inconcevable, invraisemblable, inenvisageable, inimaginable, ridicule. Inadmissible ; voilà ce que représentait l'idée d'être dans un monde de papier. Mon roman était un roman, soit des lignes, des feuilles de papier. Le papier ne pouvait pas prendre vie tout de même... si ? Non, non, non. Un cauchemar, voilà tout. Je me frottai les yeux encore et encore. Malgré toutes mes maintes tentatives, je ne pouvais me réveiller de ce mauvais rêve. Chaque son, chaque sensation, chaque silhouette de passant était pourtant si réelle. Je ne comprenais pas, je ne comprenais rien :
« Mademoiselle... » chuchota une voix mélodieuse derrière moi.

Je me retournai et vis face à moi une douce femme à la chevelure de feu rougie par les rayons du soleil et aux yeux perçants :
« Je vous ai vu tomber. Devrais-je vous emmener à l'hôpital ? Le choc a semblé être plutôt violent. »
Je ne savais comment répondre, ni que penser. Je ne pouvais que penser au fait que sa voix était bien trop authentique et qu'il ne s'agissait pas d'un rêve :
« Je me sens bien.  Ne vous inquiétez pas pour moi.
— J'insiste. Laissez-moi vous emmener à l'hôpital. Il n'est qu'à dix minutes en voiture. De grâce, mademoiselle.
— D'accord... »
Je ne pouvais refuser face à son visage angélique.

Une fois dans la voiture rouge, je voyais le paysage défiler devant mes yeux. Les arbres verts se succédaient les uns après les autres, le ciel rougeoyant avait laissé place à un ciel bleu, les nuages se dissipaient petit à petit ; tout semblait bien trop réel. Mes mains tremblaient en me disant que, peut-être, j'étais réellement dans le monde de mon roman par, je ne sais quel moyen :
« Comment vous appelez-vous ? »
Que répondre alors que je ne connaissais pas ma véritable identité ? Moi-même, je ne connaissais pas le nom que j'avais dans ce roman, puisqu'aucun des personnages que j'avais créés n'avait le physique que je possède actuellement !
« Vous pouvez m'appeler Elena.
—  Votre prénom est court. Je l'apprécie énormément.
—  Merci. Et vous, comment vous appelez-vous ?
— Je m'appelle Maileen, mais mes amies s'appellent Mai.
— Maileen ? »

Impossible... En plus d'atterrir dans le monde de mon roman, j'avais déjà rencontré Maileen, la protagoniste. Décidément, cette journée ne pouvait être pire :
« Oui. Vous paraissez surprise.
—  Excusez-moi, je n'avais jamais entendu ce prénom auparavant, il n'est pas usuel.
—  Vous avez raison, rit-elle de bon cœur. Que dites-vous de devenir amies ? »

« Infaisable, irréalisable, inconcevable, invraisemblable, inenvisageable, inimaginable » s'amusait à crier une voix en moi de nombreuses fois. Quelle était la probabilité que je rencontre le personnage féminin principal de mon roman, mais également que je me réveille du jour au lendemain dans un monde de papier ?
« Bien sûr. Je suis nouvelle en ville, alors vous pourrez me la montrer si ça ne vous dérange pas.
— Avec plaisir ! Désormais, nous pouvons nous tutoyer.
— Bien...
— Nous sommes arrivées ! »

Nous descendîmes de la petite voiture verte et nous nous enregistrâmes à l'accueil. Un médecin me prendrait en charge dans les plus brefs délais, m'assura la réceptionniste. Maileen s'assit sur un fauteuil et je la suivis :
« Merci de m'avoir emmenée ici. Je n'y serais jamais venue sans vous...
— Au contraire, c'est à moi de te remercier, Elena. Grâce à ta chute, j'ai pu me faire une amie. »
Je ne fis que hocher de la tête. Parler et devenir avec Maileen aurait été une chose que je n'aurais jamais crue devenir possible. À croire que la vie nous réserve sans cesse des surprises.

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