VIII : Un étrange docteur

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L'aiguille de l'horloge accélérait sa course contre-la-montre seconde après seconde. J'observais Maileen avec dévotion. Étrangement, je pensais au fait qu'elle ressemblait comme deux gouttes d'eau à la description que j'en avais faite. La décrire avait été l'étape la plus difficile, car je devais créer un personnage attirant pour Ethan.
« La ravissante Maileen était une véritable nymphe de beauté, une vision à faire chavirer les cœurs à tout jamais, une harmonie parfaite de traits sculptés par les Dieux eux-mêmes. Son teint éclatant illuminait son visage telle une légère caresse de soie, sans la moindre imperfection visible et sans aucun pore visible. Ses yeux d'un vert profond et extrême perçaient les âmes de tous ceux qui lui adressaient un regard telles des lames aiguisées. Sa bouche chantait les plus beaux propos et paraissait comme un vin rouge soigneusement élaboré. Enfin, ses joues rosées empourprées rappelaient la tendresse d'une poupée de porcelaine. Quiconque croisait son regard, ne serait-ce qu'une seule seconde, serait immédiatement épouvanté par sa grâce. ».
Maileen était même bien plus ravissante que ce que j'aurais imaginé :
« Pourquoi m'observes-tu ? » demanda-t-elle en riant.
— Pardonne-moi, je ne voulais pas te faire peur ou te choquer. Je te trouve seulement magnifique. Ton teint soyeux, tes yeux qui sont comme des émeraudes, ta longue chevelure de miel et ta voix suave sont vraiment impressionnants.
— Mon Dieu... Tu m'as décrite comme le ferait une auteure, murmura Maileen en tapotant dans ses mains en guise d'applaudissement. Tu sais si bien manier les mots. On dirait que tu as créé mon physique. »

En l'entendant dire ces mots, je ne pouvais m'empêcher de penser aux croquis que je faisais de Maileen lors de soirées interminables durant lesquelles je ne savais ce que je pouvais écrire :
« Tu devrais écrire des livres, Elena.
— L'idée ne m'a jamais traversée l'esprit. Je devrais certainement y songer.
— Tu devrais ! Je serai ta première lectrice.
— Merci Maileen de ton soutien, je suis touchée. Hélas, je ne pense pas me lancer dans cette voie. »

Ses lèvres formèrent une ligne oblique et elle fit la moue pour exprimer son mécontentement avant de croiser les bras sur sa poitrine :
« Madame Elena Marshmell. Le docteur vous attend dans la salle sur votre gauche » annonça une jeune femme débordée à la grosse monture noire et une pile de papiers dans ses bras frêles.

Je me levai et la suivis. Je balançai mes jambes qui pendaient dans le vide au-dessus du lit d'hôpital. Je regrettais désormais ma grande taille et mes longues jambes. Néanmoins, je devais trouver une solution pour rentrer dans mon monde et comprendre le pourquoi du comment. Pourquoi avais-je atterri dans ce monde ?

Mes pensées furent interrompues par le raclement de gorge du médecin, qui s'avéra finalement être un interne. Je le regardai de haut en bas. Quel autre de mes personnages allais-je rencontrer maintenant ?
« Bonjour Madame Marshmell. Je m'appelle Ethan et je serai votre médecin aujourd'hui. »

Ethan... Ethan... ?

« Je suis interne, mais je m'occuperai très bien de vous aujourd'hui. D'après votre amie, vous êtes tombée violemment dans la rue. Ressentez-vous des douleurs ?
— Oui ! »

Ethan... Le personnage principal de mon roman que j'avais créé selon mon idéal masculin. Le personnage sur lequel j'avais tout misé. Toutes les femmes se bagarreraient pour avoir le privilège de parler avec lui. Sa beauté, sa personnalité, son caractère, ses pensées ; personne ne résisterait à un homme pareil — du moins presque personne :
« Je devrais vous envoyer à un confrère pour que vous puissiez effectuer un examen de radiologie.
— Mais...
— Est-ce que vous auriez un autre problème ?
— Non.
— D'accord. »

Il commença à griffonner sur une feuille de papier quelques informations et quelques mots incompréhensibles. Sans explication, Ethan leva ses yeux en ma direction et me fixa pendant un long moment :
« Est-ce que vous allez bien ?
— Tout va très bien pour moi, Mademoiselle Marshmell. Je vois dans votre dossier que vous n'êtes pas mariée.
— En effet, je suis célibataire.
— Très bien. »

Ethan... serait-il intéressé par moi ?

« Pourquoi ?
— Vous êtes une très belle femme.
— Merci du compliment, monsieur. »

Ses lèvres esquissèrent un doux rayon de satisfaction tandis qu'il posait ses mains sous son menton :
« Voyons, vous pouvez m'appeler Ethan si vous le souhaitez.
— Docteur... »

Ses sourcils pointus se contractèrent comme pour me demander quelle question je voulais lui poser :
« Avez-vous vu mon amie dans le couloir ?
— Je l'ai vu en courant jusqu'ici. C'est elle qui m'a informé que vous m'attendiez.
— Comment la trouvez-vous ? Pensez-vous qu'elle est belle ?
— Je n'aime pas les femmes possédant une chevelure rousse. D'habitude, je n'aime pas non plus les femmes aux cheveux blonds, mais pour vous, je ferai une exception. »

Impossible. Ethan et Maileen devaient tomber amoureux l'un de l'autre dès le premier regard :
« En êtes-vous sûr ? Mon amie est une femme splendide !
— À vos yeux, probablement. Hélas, elle n'est pas mon genre de femme. »

Comment était-il possible que le roman puisse changer ? J'en suis l'auteure, le roman ne peut pas changer !

« Quant à vous, mademoiselle Marshmell, vous êtes tout à fait mon genre de femme.
— Oh, j'en suis très flattée, vous savez. Mais, réfléchissez-y une seconde fois. Une femme à la chevelure de feu, ayant des yeux verts qui vous frappent jusqu'au plus profond de votre âme, à la peau aussi blanche que le lait. Une telle femme ne vous intéresserait pas ?
— Je pense que mon choix se porterait plutôt vers une femme à la peau semblable au soleil, aux longs cheveux blonds ondulés et aux lèvres rouges, comme vous. D'ailleurs, vous me paraissez être une femme tout à fait chaleureuse et sympathique. »

Il se leva de sa chaise et se dirigea vers moi. La différence de taille entre nous était indéniable. Ses remarques me faisaient rougir de plus en plus :
« Êtes-vous disponible dans la semaine ?
— Pourquoi donc ?
— Je sais bien que c'est contre la déontologie, mais j'aimerais énormément boire un café avec vous un de ses jours. »

Peut-être était-ce ceci le véritable cauchemar. « Que diriez-vous de ceci ?
— Je ne sais pas... Je préfère me soigner d'abord et être totalement rétablie.
— Bien sûr. Une fois rétablie, appelez-moi et nous conviendrons d'une date. »

Je me levai hors de mon siège et me précipitai telle une voleuse en dehors de la salle :
« Mademoiselle Marshmell, ce fut un plaisir de vous soigner et de vous ausculter aujourd'hui. Nous ferons un autre examen une fois que vous aurez effectué votre examen de radiologie.
— Merci de m'avoir reçue aujourd'hui.
— Avec plaisir. Appelez-moi. »

Tel un magicien, sa main glissa sa carte de visite dans la poche de ma veste. Mes jambes tremblotantes me conduisirent jusqu'à la salle d'attente où j'eus le bonheur de retrouver Maileen :
« Tu es restée trente minutes avec lui. Est-ce qu'il t'a fait du mal ?
— Non, ne t'inquiète pas, Maileen. Tout va très bien et pour le mieux.
— Je suis rassurée. Je me faisais un véritable sang d'encre à l'extérieur. »

Nous sortîmes au plus vite de l'hôpital. J'avais beau penser à autre chose, mais mon esprit ne voulait penser qu'à une seule chose : ma rencontre surprenante avec Ethan :
« Qu'est-ce que le docteur t'a dit ?
— Le docteur ? »

Ah... Ethan. À mes yeux, il était toujours le personnage de fiction de mon roman :
« Il m'a dit que je devais aller chez un radiologue et qu'une fois mes examens réalisés, je devrais revenir le voir pour qu'il puisse interpréter les résultats.
— Je suis heureuse qu'aucun de tes os ne soit fracturé.
— Merci Maileen. »

Je l'observais du coin de l'œil. Comment se faisait-il qu'Ethan ne la trouvait pas belle ? Dans mon roman, j'avais bien écrit la phrase : « Et Ethan tomba amoureux d'elle au premier regard. »Ma plume avait été claire et claire avait été ma plume. Ethan devait être déjà amoureux d'elle, tout comme Maileen actuellement. Devrais-je lui poser la question :
« Maileen. Je souhaite te poser une question.
— Oui ?
— Que penses-tu du docteur ? Est-ce que tu le trouves beau ? »

À ma question, elle leva obstinément les yeux au ciel et fit une grimace de dégoût :
« Je n'aime pas son physique, affirma Maileen. Je préfère un homme aux yeux bleus et aux cheveux blonds.
— En es-tu sûr ? Je veux dire. Il a une aura différente des autres et ses cheveux châtains ont l'air plutôt beaux et ses yeux marron sont agréables à regarder.
— Tu as raison. Je ne voulais pas l'admettre, car j'avais peur de ton jugement, mais je le trouve vraiment attirant. »

Un amour à sens unique. Je venais de comprendre pourquoi j'avais atterri dans ce monde. Ethan et Maileen seront en couple grâce à moi. Je n'avais qu'à le convaincre de tomber amoureux d'elle.

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